Permis de construire et régularisation : qui doit payer les frais irrépétibles ?

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ESPEISSE Anne

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Conseil d’Etat, 28 mai 2021, Epoux V, req. n°437429

[…] le Conseil d’Etat est venu apporter une inflexion à sa jurisprudence concernant les frais irrépétibles dans l’hypothèse où le rejet de la requête dirigée contre un permis de construire fait suite à une régularisation en cours d’instance.

Ce qu’il faut retenir :

Revenant sur le principe posé par une décision Syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal (Conseil d’Etat, 19 juin 2017, syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, req. n°394677), le Conseil d’Etat est venu apporter une inflexion à sa jurisprudence concernant les frais irrépétibles dans l’hypothèse où le rejet de la requête dirigée contre un permis de construire fait suite à une régularisation en cours d’instance.

Tout en réaffirmant que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge qu’à la « partie qui perd pour l’essentiel », la Haute juridiction considère désormais que « [l]a circonstance qu’au vu de la régularisation intervenue en cours d’instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu’elle était illégale et dont il est, par son recours, à l’origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l’application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu’il présente à ce titre » (Conseil d’Etat, 28 mai 2021, Epoux V, req. n°437429).

C’est-à-dire qu’en cas de rejet de la requête suite à une mesure de régularisation, les requérants malheureux n’ont plus nécessairement à être regardés comme la partie perdante et ainsi se voir infliger le règlement des frais irrépétibles, ni même voir rejeter les conclusions qu’ils auraient présentées à ce titre.

Pour approfondir :

L’article L.761-1 du Code de justice administrative dispose : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (…) ».

De sorte que seule la partie perdante peut être condamnée les frais exposés et non compris dans les dépens. Mais la détermination de la qualité de partie perdante peut parfois interroger et, en particulier, lorsque le rejet de la requête intervient à la suite d’une mesure de régularisation.

Jusqu’ici, le Conseil d’Etat considérait que cette circonstance était sans incidence sur le fait que les requérants devaient être regardés comme la partie perdante (Conseil d’Etat, 19 juin 2017, syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, req. n°394677).

Cette solution était toutefois particulièrement stricte et le Conseil d’Etat lui-même avait parfois semblé vouloir y apporter un tempérament (Conseil d’Etat, 24 juillet 2019, Syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier sis 86 à 94 rue Gutenberg, req. n°430473, cons. n°6). Le tribunal administratif de Versailles avait même considéré que, dans une telle hypothèse, la commune auteure de la décision initialement illégale pouvait être regardée comme partie perdante (Tribunal administratif de Versailles, 28 octobre 2019, req. n°1605813, cons. n°8).

Par la décision commentée, le Conseil d’Etat confirme cet infléchissement, mais il rejette in fine toutes les conclusions présentées en demande comme en défense, sur le fondement de l’article L.761-1.

Cette solution a été présentée par le Rapporteur public comme un « signal de tempérance » opportun dans un contentieux devenu largement favorable à la protection des droits à construire compte tenu de « l’ampleur prise (…) par les mécanismes de régularisation » (v. en ce sens, Conclusions de Monsieur le Rapporteur public Vincent VILLETTE sur Conseil d’Etat, 28 mai 2021, Epoux V, req. n°437429).

A rapprocher : Conseil d’Etat, 19 juin 2017, syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, req. n°394677 ; Conseil d’Etat, 24 juillet 2019, Syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier sis 86 à 94 rue Gutenberg, req. n°430473 ; Tribunal administratif de Versailles, 28 octobre 2019, req. n°1605813

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