Cass. civ. 3ème, 10 septembre 2020, n°19-14.646
Une demande en inopposabilité d’une décision prise en assemblée générale s’analyse en une contestation d’une décision d’assemblée générale. Une telle action peut être intentée uniquement par un copropriétaire. La demande d’un locataire en inopposabilité d’une décision d’assemblée générale est par conséquent irrecevable.
Dans cette affaire, un locataire, titulaire d’un bail commercial, exploitait dans un immeuble soumis au statut de la copropriété un fonds de commerce de librairie, le local étant constitué de deux lots formant une boutique en front de rue. Ces deux lots communiquaient avec trois autres lots de la copropriété. Tous les lots étaient reliés entre eux mais un seul s’ouvrait sur un passage auquel le locataire accédait par une porte cochère.
Par une décision du 23 avril 2013, l’assemblée générale des copropriétaires a décidé de fermer, le samedi, cette porte cochère par un digicode.
Le locataire a assigné le syndicat des copropriétaires en inopposabilité de cette décision et en condamnation du syndicat des copropriétaires à remettre les lieux en l’état antérieur.
Par un arrêt du 21 novembre 2018, la Cour d’appel a déclaré la demande en inopposabilité irrecevable, considérant que la demande du locataire s’analysait comme une action en contestation de la délibération et qu’un locataire n’avait pas qualité pour contester.
Le locataire a formé un pourvoi en cassation en soutenant que la résolution consistant en une fermeture totale de la porte cochère toute la journée de samedi, interdisant l’accès des lieux à la clientèle de la librairie, produisait des effets contraires aux dispositions d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965 (art. 9 et 26), ainsi qu’aux termes du règlement de copropriété opposable aux locataires. Selon le demandeur au pourvoi, cette fermeture constituait un trouble illicite à l’exploitation paisible des lieux dont il était fondé à se prévaloir. Le locataire soutenait ainsi contester les effets de cette résolution sur les droits de jouissance du local, et non la résolution elle-même.
Par un arrêt du 10 septembre 2020, la Cour de cassation rejette le pourvoi en rappelant qu’en application de l’alinéa 2 de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants.
En l’espèce, la troisième chambre civile de la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que l’action qui tend à faire déclarer inopposable une décision prise en assemblée générale, notamment parce que cette décision procédait d’un excès de pouvoir du syndicat des copropriétaires, doit s’analyser en une contestation de décision d’assemblée générale. Or, le locataire ne peut pas contester une décision prise en assemblée générale, sauf à mettre en œuvre une action oblique.
Sur la remise en l’état antérieur des lieux, la Cour de cassation relève que les trois lots réunis pour constituer un espace unique de vente étaient accessibles par la rue, ces lots bénéficiant de douze mètres linéaires de façade permettant une grande visibilité à la clientèle. Dans la mesure où l’accès principal de la boutique donnait sur la rue, les juges ont estimé que la fermeture de la porte cochère ne perturbait pas l’accès à la clientèle de l’espace de vente et que la décision adoptée lors de l’assemblée générale des copropriétaires était compatible avec l’exercice de l’activité commerciale telle qu’autorisée par le règlement de copropriété.