CE, 23 octobre 2020, Ville de Paris et M. Antoine P., req. n°425457
Par une décision du 23 octobre 2020, qui sera mentionnée aux Tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat étend encore la théorie du propriétaire apparent, en allégeant plus encore le rôle de l’autorité administrative compétente dans l’appréciation de la qualité du pétitionnaire pour déposer sa demande.
Dans cette affaire, alors même que l’assemblée des copropriétaires s’était expressément opposée aux travaux, un copropriétaire avait obtenu un permis de construire pour transformer en logement un garage situé en rez-de-chaussée, ce qui impliquait la réouverture d’une porte donnant sur la cour, partie commune de l’immeuble.
Saisi par le syndicat des copropriétaires, le tribunal administratif de Paris a, par jugement du 13 septembre 2018 annulé ledit permis, après avoir relevé que le copropriétaire-pétitionnaire s’était livré à une manœuvre frauduleuse, dans la mesure où il s’était déclaré, dans sa demande de permis, régulièrement habilité pour déposer cette dernière, alors même qu’il ne pouvait ignorer que le syndicat des copropriétaires avait refusé par deux fois son accord à la réalisation de ces travaux.
Ce jugement est censuré par le Conseil d’Etat qui, en considérant qu’une demande d’autorisation d’urbanisme concernant un terrain ou immeuble en copropriété peut être présentée par son propriétaire alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l’autorisation de l’assemblée générale de la copropriété, renforce ainsi le principe selon lequel il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis, la validité de l’attestation établie par le demandeur, la critique portant sur cette dernière étant inopérante.
Depuis la réforme des autorisations d’urbanisme de 2007, le pétitionnaire n’a plus à justifier de sa qualité de propriétaire ou indivisaire pour déposer sa demande : il lui suffit d’attester disposer de cette qualité (article R.423-1 du Code de l’urbanisme).
Le Conseil d’Etat a conféré à cette disposition une portée toute particulière en précisant qu’il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction, cette qualité, et ce même si les travaux portent sur un bien faisant partie d’une copropriété (Conseil d’Etat, 15 février 2012, Mme Quennesson, n°333631), voire d’un bien sur lequel une simple promesse de vente est consentie (Conseil d’Etat, 12 février 2020, Commune de Norges-la-Ville, n°424608).
La Haute juridiction est récemment allée plus loin en jugeant que la contestation portée par le syndicat des copropriétaires devant le juge judiciaire concernant le titre sur lequel se fonde la réalisation des travaux objet de la demande d’autorisation d’urbanisme ne saurait par elle-même caractériser l’existence d’une fraude du pétitionnaire, alors même que ce dernier avait été alerté par le syndicat de la nécessité de recueillir l’accord de la copropriété (Conseil d’État, 3 avril 2020, Ville de Paris, req. n°422802).
Par le présent arrêt, le Conseil d’Etat, suivant les conclusions de son rapporteur public, va encore plus loin : il considère qu’en sa qualité de propriétaire d’un bien en copropriété, le pétitionnaire dispose de la qualité pour déposer une demande d’autorisation de travaux, et ce même si leur réalisation est subordonnée à l’accord de la copropriété. Nulle fraude ne saurait donc être identifiée.
A rapprocher : CE, 15 février 2012, Mme Quennesson, n°333631 ; CE, 3 avril 2020, Ville de Paris, req. n°422802