Conseil d'État, 13 décembre 2019, Conseil national des centres commerciaux, req. n°431724
Par une décision en date du 13 décembre 2019, le Conseil d’Etat a transmis au Conseil constitutionnel une question relative à la conformité, à la Constitution, des dispositions du e) du 1° du I, du III et du IV de l’article L.752-6 du Code de commerce, issues de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).
Après avoir relevé que ces nouvelles dispositions « subordonnent la délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale à la prise en considération de la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’établissement public de coopération intercommunale concerné, laquelle est appréciée par la commission départementale d’aménagement commercial au vu d’une étude d’impact évaluant les effets du projet sur l’animation et le développement économique des centres-villes de ce territoire et sur l’emploi, cette même étude d’impact devant, en outre, établir qu’aucune friche existante en centre-ville, ou à défaut, en périphérie, ne permet l’accueil du projet », la Haute juridiction a considéré que le moyen tiré de ce qu’elles porteraient atteinte à la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, présentait un caractère sérieux.
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La question de la conformité de la législation de l’aménagement commercial aux libertés économiques n’est pas nouvelle, qu’il s’agisse de la liberté d’entreprendre telle que garantie par la Constitution (CE, 16 juillet 2014, SCCV Lisieux Développement, QPC, req. n°37243) ou de la liberté d’établissement garantie par le droit européen (CE, 5 mars 2003, Société Immaldi, req. n°22470 ; CE, 11 février 2015, société Reims République Développement, req. n°370089).
Mais, pour la première fois, le Conseil d’Etat a estimé que les règles fixées par cette législation pouvaient poser difficulté au regard de la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (CE, 15 septembre 2010, M. Jean-Hugues A, QPC, req. n°340570).
L’article L.752-6 du Code de commerce a en effet été enrichi, à l’initiative du Sénat, par l’article 166 de la loi Elan. Reprenant une partie du dispositif proposé par l’article 15 de la proposition de loi pour la revitalisation des centres-villes, ce texte prévoit désormais que les Commissions d’aménagement commercial se prononcent au regard d’un nouveau critère : « e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d’implantation est membre ».
Afin de le rendre efficient, le législateur a également institué l’obligation formelle de produire une analyse d’impact réalisée par un organisme indépendant dont l’objet est d’évaluer son impact du projet sur l’animation et le développement économique du centre-ville de la commune d’implantation, des communes limitrophes et de l’EPCI dont la commune d’implantation est membre et sur l’emploi, et ce, en prenant en compte différentes données (évolution démographique, taux de vacance commerciale, offre de mètres carrés commerciaux, échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires).
Cette étude doit par ailleurs justifier qu’aucune friche en centre-ville, ou en périphérie, n’est susceptible d’accueillir le projet.
L’objectif étant de « mieux mesurer la concurrence des commerces de périphérie intermédiaires » (v. Proposition de loi, p. 40).
Le décret pris pour l’application de ce texte a été promulgué le 17 avril 2019 (Décret n°2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d’aménagement commercial et aux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale) et il a été déféré à la censure du Conseil d’Etat, compétent en premier et dernier ressort, par le Conseil national des centres commerciaux (CNCC).
A cette occasion, le CNCC a saisi la Haute juridiction d’une question prioritaire de constitutionnalité des dispositions législatives dont ce décret fait application, soutenant que ces nouvelles modalités d’évaluation des projets commerciaux violaient la liberté d’entreprendre.
Par la présente décision, le Conseil d’Etat a estimé que cette question présentait un caractère sérieux et l’a transmise au Conseil constitutionnel, qui a désormais trois mois pour se prononcer.
A rapprocher : Proposition de loi portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présentée par Rémy POINTEREAU, Martial BOURQUIN ; Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), article 166 ; Décret n°2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d’aménagement commercial et aux demandes d’autorisation d’exploitation commerciale