CAA Bordeaux, 11 juillet 2019, société Issoudun Distribution, req. n°17BX03415
Par un arrêt en date du 11 juillet 2019, signalé en « C+ », la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que le vice affectant l’avis tacite émis par la CNAC et tiré du défaut de consultation des ministres intéressés et d’absence d’établissement d’un rapport d’instruction, dans le cadre de l’instruction par la CNAC d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, peut être régularisé.
Plus particulièrement, cette juridiction a estimé que « ce vice est régularisable par la reprise de la procédure devant la Commission nationale d’aménagement commercial, après la rédaction d’un rapport d’instruction et la consultation des ministres chargés du commerce et de l’urbanisme » et qu’il y avait donc lieu pour elle de faire usage des pouvoirs qu’elle détient des dispositions de l’article L.600-5-1 du Code de l’urbanisme, « afin de permettre, en cas d’avis favorable de la CNAC, la régularisation (…) » de l’arrêté de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale.
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L’article L.600-5-1 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’article 80 de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, dispose : « (…) le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (…) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. (…) ».
Dans ce cadre, et dès lors que le permis de construire est toujours en cours de validité, la mesure de régularisation à laquelle renvoie l’article L.600-5-1 permet d’effacer les vices du permis de construire initial, sur le respect des règles de fond applicables (Conseil d’Etat, 9 décembre 1994, SARL Séri, req. n°116446), comme sur des exigences de forme ou encore sur des formalités qui auraient été omises (Conseil d’Etat, 2 février 2004, Fontaine de Villiers, req. n°238315) (v. également conclusion du Rapporteur public Madame Suzanne von COESTER sur Conseil d’Etat, 22 février 2017, Mme B, req. n°392998).
Et il a pu être admis que la circonstance que le permis de construire vaut autorisation d’exploitation commerciale ne fait pas, par elle-même au moins, obstacle à la mise en œuvre de cette procédure (v. notamment, en ce sens, conclusions de Monsieur le Rapporteur public Frédéric Dieu sur Conseil d’Etat, 23 décembre 2016, société MDPV Distribution, req. n°398077 ; v. très récemment Conseil d’Etat, 15 avril 2019, Avis contentieux, société Difradis, req. n°425854 s’agissant du permis de construire délivré sur la base d’un avis émis après que la CNAC a rejeté à tort l’un des recours dont elle était saisie comme irrecevable ; CAA Bordeaux, 11 juillet 2019, société Difradis, req. n°16BX03291).
Par le présent arrêt, la Cour administrative de Bordeaux pose le principe suivant lequel l’absence de consultation des ministres intéressés, comme le défaut d’établissement d’un rapport d’instruction, en violation des dispositions des articles R.752-35 et R.752-36 du Code de commerce, peut être régularisé dans le cadre de la procédure de sursis prévue par l’article L.600-5-1 du Code de l’urbanisme, à la faveur d’une nouvelle consultation, cette fois-ci régulière, de la CNAC, qui pourra donner lieu à un permis de construire modificatif.
Une solution inverse avait pourtant été retenue par la Cour administrative d’appel de Douai quelques mois plus tôt « en l’absence de précisions sur le sens et le contenu des avis que les ministres auraient pu émettre » (CAA Douai, 27 septembre 2018, Société Carrefour Hypermarchés, req. n°16DA02179) mais elle paraît s’inscrire dans un mouvement constant d’extension du champ des mesures de régularisation des permis de construire, y compris lorsque ceux-ci valent autorisation d’exploitation commerciale.
Il reste que le recours à la procédure de régularisation en cas de vice affectant un PCVAEC ne semble pas dépourvu de limites et a déjà été exclu par les juridictions à plusieurs reprises : en cas d’obligation, suite à l’avis défavorable émis postérieurement à la délivrance du permis de construire, de ramener la surface de vente du projet à moins de 1000 m² (CAA Nancy, 27 avril 2017, Société MDVP, req. n°15NC02351-16NC00013), dans l’hypothèse d’une annulation, pour un motif de fond, de l’autorisation d’exploitation commerciale alors délivrée séparément (CAA Bordeaux 25 juin 2015, Commune de Buisson de Cadouin, req. n°13BX03467) ou encore dans celle de la remise en cause d’un tel avis à raison de l’incompatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale et de sa modification substantielle en cours d’instruction (CAA Douai, 12 juillet 2018, SAS Cora, req. n°17DA01691).
A rapprocher : CE, 15 avril 2019, Avis contentieux, société Difradis, req. n°425854 ; CAA Bordeaux, 11 juillet 2019, société Difradis, req. n°16BX03291