Locations meublées de tourisme : retour sur les dernières décisions de jurisprudence

Décision n°2019-772 QPC du 5 avril 2019

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le droit pour les agents assermentés du service municipal du logement de pénétrer dans les lieux, en cas de refus ou d’absence de l’occupant, lors de contrôles des locations meublées de tourisme potentiellement irrégulières.

Depuis l’essor des plateformes de mise en ligne, les locations touristiques ne cessent de se développer et notamment dans la capitale. Face à ce phénomène, la Ville de Paris a constaté que les offres de logements dédiés à l’habitation classique ne cessent de baisser rendant le marché peu attractif pour les parisiens eux-mêmes.

Ces locations sont donc désormais rigoureusement contrôlées par un régime, soit de déclaration préalable en mairie (L.324-1-1 du Code du tourisme), soit d’autorisation de changement d’usage (L.631-7 du Code de la construction et l’habitation) selon que la location porte sur un local destiné à la résidence principale du loueur ou non.

Pour vérifier l’application de cette règlementation, le service de la protection du logement de la Ville de Paris s’est notamment dotée d’agents assermentés, comme cela lui est autorisé par l’article L.651-6 du Code de la construction et de l’habitation, qui sont habilités à visiter les locaux à usage d’habitation dont l’occupant ou le gardien du local est tenu de laisser visiter.

Le dernier alinéa de cette disposition prévoit aussi « qu’en cas de carence de la part de l’occupant ou du gardien, l’agent assermenté du service municipal peut, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou d’un commissaire de police. » (L.651-6 alinéa 6 du Code de la construction et de l’habitation).

C’est justement cette dernière disposition qui fût critiquée devant le Conseil constitutionnel comme faisant grief au principe d’inviolabilité du domicile.

Par voie d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la 3ème Chambre de la Cour de cassation, les requérants invoquaient que l’exercice du droit de visite d’un logement par les agents assermentés du service municipal du logement, sans l’accord de l’occupant ou du gardien et en l’absence d’autorisation judiciaire préalable pour surmonter ce défaut d’accord, constituait une méconnaissance de la liberté individuelle et du principe d’inviolabilité du domicile.

Le Conseil a suivi cette argumentation et a déclaré cette disposition contraire à la Constitution considérant que le fait pour ces agents de se faire ouvrir les portes et de visiter les lieux, sans l’accord de l’occupant du local ou de son gardien, et sans y avoir été préalablement autorisés par le juge, violait le principe d’inviolabilité du domicile.

A l’occasion d’un petit-déjeuner débat organisé par l’association AJEDIM ASSAS, les représentants de la Ville de Paris étaient invités à intervenir sur ce sujet et déclaraient que cette disposition, datant des années 80, n’était jamais utilisée en pratique. Ils ont en outre indiqué que la Ville de Paris, partie à cette instance, s’en était remise à la sagesse du Conseil tout en sollicitant le prononcé de l’effet différé en cas de déclaration d’inconstitutionnalité, ce que le Conseil n’a toutefois pas suivi.

Le contentieux sur les locations touristiques avait déjà nourri des débats au sein des juridictions françaises.

En effet, par arrêt du 5 juillet 2018 (n°18-40.014), une question constitutionnelle de priorité portant sur les dispositions de l’article L.651-2 du Code de la construction et de l’habitation, prévoyant notamment une amende civile en cas de transformation irrégulière du local, n’avait pas été transmise en raison de l’absence du caractère sérieux de la question.

Puis, par un arrêt du 31 janvier 2019 (n°18-40.043), la 3ème Chambre civile n’avait également pas transmis une question portant sur l’article L.324-2-1 du Code du tourisme, mettant à la charge des plateformes électroniques un certain nombre de diligences, à défaut de caractère sérieux et que ces dispositions étaient justifiées notamment au regard de la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location.

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a enrichi l’actuel dispositif en imposant notamment aux plateformes numériques de bloquer les annonces une fois le délai des 120 jours de locations dépassé ou l’obligation pour elles de transmettre le nombre de jours de location sur un bien à la demande de la commune. A défaut, des sanctions sont désormais assorties (amende civile allant de 12.500 € à 50.000 € selon le manquement).

A noter que la Cour de cassation avait transmis une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si le régime d’autorisation existant était compatible avec la règlementation européenne (Cass. civ. 3ème, 15 novembre 2018, n°17-26.156). L’avis rendu par l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 30 avril 2019 est favorable à la plateforme de location. A suivre donc.

A rapprocher : Article L.324-1-1 du Code du tourisme ; Article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation ; Article L.651-6 du Code de la construction et de l’habitation ; Cass. civ. 3ème, 5 juillet 2018, n°18-40.014 ; Cass. civ. 3ème, 31 janvier 2019, n°18-40.043 ; Cass. civ. 3ème, 15 novembre 2018, n°17-26.156

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