CE, 18 octobre 2018, n°410111
L’illégalité de la délibération créant une zone d’aménagement concerté (ZAC) ne peut être utilement soulevée, par la voie de l’exception, à l’appui d’un recours introduit contre la déclaration d’utilité publique (DUP) des travaux nécessaires à l’aménagement de cette zone.
Ce qu’il faut retenir : L’illégalité de la délibération créant une zone d’aménagement concerté (ZAC) ne peut être utilement soulevée, par la voie de l’exception, à l’appui d’un recours introduit contre la déclaration d’utilité publique (DUP) des travaux nécessaires à l’aménagement de cette zone.
Néanmoins, le juge administratif est tenu, lorsqu’il se prononce sur l’utilité publique d’une opération dont la mise en œuvre nécessite l’expropriation d’immeubles, de prendre en considération, le cas échéant, au titre des inconvénients que comporte l’opération contestée, les motifs de fond qui auraient été susceptibles d’entacher d’illégalité l’acte de création de la ZAC pour la réalisation de laquelle la DUP a été prise et qui seraient de nature à remettre en cause cette utilité publique.
Pour approfondir : Par délibération du 18 juin 2010, la commune d’Orléans a approuvé la création de la ZAC « Carmes-Madeleine » ainsi que le dossier de création de cette ZAC.
Pour la mise en œuvre de cette zone, le Préfet du Loiret a, par arrêté du 13 avril 2012, déclaré d’utilité publique l’ensemble des travaux nécessaires à l’aménagement de cette ZAC.
Une association de protection de l’environnement, de même que plusieurs autres requérants, ont contesté cet arrêté devant le Tribunal administratif d’Orléans.
Si, par un jugement du 2 avril 2013, le Tribunal administratif d’Orléans rejette ce recours, la Cour administrative d’appel de Nantes y fait partiellement droit aux termes d’un arrêt du 8 mars 2017, en annulant la DUP en ce qu’elle affectait une partie de la zone accueillant plusieurs immeubles en cours d’inscription au titre des monuments historiques.
Elle refuse cependant d’annuler la totalité de la DUP au motif pris de l’illégalité de la délibération du conseil municipal approuvant le dossier de création de la ZAC, en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact jointe à ce dossier.
Le Conseil d’Etat, saisi de deux pourvois formés, d’une part, par la société chargée l’aménagement de la ZAC, et, d’autre part, par les requérantes initiales insatisfaites du caractère partiel de l’annulation, confirme la position de la Cour administrative d’appel de Nantes.
Le Conseil d’Etat considère en particulier que c’est à bon droit que la Cour a pu écarter l’exception d’illégalité soulevée par les requérants.
Il est en effet de principe que l’illégalité d’un premier acte administratif ne peut être utilement invoquée à l’appui d’un recours exercé contre un second acte.
Cette « exception d’illégalité » peut néanmoins être soulevée dans des hypothèses limitées, par exemple si le second acte a été pris pour l’application du premier, ce qui est le cas s’agissant de décisions d’application d’actes réglementaires (CE, 19 février 1967, Société des établissements Petitjean, n°59125), ou sauf si les deux décisions, non réglementaires, forment entre elles une opération complexe (CE, 9 novembre 1996, Toumbourous, n°58903).
Dans le cadre du contentieux des DUP, le mécanisme de l’exception d’illégalité n’a qu’un champ d’application réduit.
Si la jurisprudence a pu qualifier « d’opération complexe », un ensemble constitué de la délibération désignant le titulaire d’une concession d’aménagement et l’arrêté de cessibilité des terrains nécessaires à l’opération d’aménagement au profit du concessionnaire (CE, 22 mars 1978, Groupement foncier agricole des cinq ponts, n°01713), tel n’est pas le cas d’une délibération approuvant la convention par laquelle la commune a confié à une société l’aménagement d’une ZAC lors d’un recours exercé à l’encontre d’une DUP et tendant à l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de cette ZAC (CE, 11 juillet 2011, SODEMEL c/ Min. de l’Intérieur, n°320735)
C’est dans la lignée de cette jurisprudence que le Conseil d’Etat considère au cas présent que l’illégalité susceptible d’affecter la délibération approuvant une ZAC ne peut être soulevée à l’appui d’un recours dirigé contre la DUP.
Néanmoins, le Conseil d’Etat apporte une nuance qui mérite ici d’être soulignée : en effet, il juge malgré tout que le vice de fond qui était susceptible d’affecter la délibération créant la ZAC doit être pris en compte dans l’appréciation de l’utilité publique de l’opération.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que tel n’était pas le cas, l’insuffisance de l’étude d’impact jointe au dossier de création de la ZAC n’étant pas de nature à affecter l’utilité publique de l’opération dans son ensemble.
A rapprocher : CE, 20 mars 2015, Société Urbanis Aménagement, n°371895 (existence d’une opération complexe au cas d’espèce)