Cass. civ. 3ème, 5 juillet 2018, n°17-20.121 (FS-P+B+I)
Lorsque le maître d’œuvre agit en qualité de représentant du vendeur dans le cadre d’une vente immobilière, le dol commis par le maître d’œuvre à l’égard de l’acquéreur engage la responsabilité civile du vendeur lui-même.
Par acte authentique de vente du 8 mars 2011, une SCI a vendu un chalet à un acquéreur. La SCI venderesse avait mandaté l’agent immobilier, le notaire et le maître d’œuvre du chalet afin de réunir les documents et informations nécessaires à la rédaction de l’acte de vente. A ce titre, le maître d’œuvre avait attesté par écrit que le chalet était conforme au dernier permis de construire obtenu.
Or, après la conclusion de la vente, l’acquéreur apprend que le sous-sol du chalet, aménagé en espace d’habitation, avait été réalisé sans autorisation d’urbanisme. Estimant que son consentement à la vente avait été vicié par les manœuvres dolosives de maître d’œuvre, l’acquéreur assigne en paiement de dommages et intérêts :
- la venderesse, sur le fondement du dol ;
- le notaire, pour manquement à son devoir de conseil.
En appel, l’acquéreur est débouté de l’ensemble de ses demandes de condamnation, la Cour d’appel ayant considéré que l’acquéreur ne démontrait pas que la venderesse avait eu connaissance des manœuvres dolosives du maître d’œuvre.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de la Cour d’appel.
S’agissant du devoir de conseil du notaire, le pourvoi est rejeté, au motif que le notaire qui se fonde sur une attestation précise et circonstanciée remise par un homme de l’art pour vérifier la régularité administrative des aménagements intérieurs d’une construction n’a pas manqué à son devoir de conseil.
S‘agissant du dol, l’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article 1116 ancien du Code civil. La Cour de cassation considère que les manœuvres dolosives commises par le représentant du vendeur, lequel n’est pas un tiers au contrat de vente, engagent la responsabilité civile du vendeur lui-même. La Cour affirme donc qu’il importe donc peu, dans cette situation, que le vendeur n’ait pas personnellement commis le dol ou n’ait pas eu connaissance du dol commis par le mandataire.
Il conviendra de noter la spécificité des faits de cette affaire, le maître d’œuvre ayant agi en l’espèce en qualité de représentant du vendeur, en vertu d’un contrat de mandat.
Depuis la réforme des contrats, l’article 1138 nouveau du Code civil prévoit désormais expressément, dans le droit fil de cette jurisprudence, que :
« Le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence ».
Le vendeur ainsi condamné aura tout intérêt à exercer une action récursoire en responsabilité civile à l’encontre du maître d’œuvre auquel les manœuvres dolosives sont imputables, afin d’obtenir le paiement des sommes qu’il a été condamné de verser à l’acquéreur.
A rapprocher : Article 1116 ancien du Code civil ; Article 1138 nouveau du Code civil issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016