Copropriété : la nullité du mandat du syndic doit résulter d’une procédure contradictoire

Cass. civ. 3ème, 5 juillet 2018, n°17-21.034 (FS-P+B+I)

Le copropriétaire qui sollicite la désignation d’un mandataire provisoire de la copropriété afin de palier la nullité de plein droit du mandat du syndic pour défaut d’ouverture d’un compte bancaire séparé doit préalablement engager une procédure contradictoire afin que soit constatée la nullité du mandat du syndic.

Ce qu’il faut retenir : Le copropriétaire qui sollicite la désignation d’un mandataire provisoire de la copropriété afin de palier la nullité de plein droit du mandat du syndic pour défaut d’ouverture d’un compte bancaire séparé doit préalablement engager une procédure contradictoire afin que soit constatée la nullité du mandat du syndic. A défaut, il n’est pas établi, au sens de l’article 47 du décret du 17 mars 1967, que le syndicat est dépourvu de syndic.

Pour approfondir : On sait que l’article 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété fait obligation au syndic de copropriété, dans les trois mois de sa désignation, d’ouvrir un compte bancaire séparé au nom du syndicat des copropriétaires. A défaut, le texte précise que le mandat du syndic est nul « de plein droit ».

Dans cette affaire, un copropriétaire, se prévalant de la nullité du mandat du syndic de copropriété pour défaut d’ouverture d’un compte bancaire séparé, introduit une requête en désignation d’un administrateur provisoire sur le fondement de l’article 47 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1965.

L’article 47 de ce décret prévoit en effet que lorsqu’un syndicat des copropriétaires est « dépourvu de syndic », le président du tribunal de grande instance, statuant par ordonnance sur requête, désigne un administrateur provisoire chargé d’administrer la copropriété et de convoquer les copropriétaires en assemblée afin de permettre l’élection d’un nouveau syndic.

Pour motiver sa requête, le copropriétaire faisait ainsi valoir que, dans la mesure où le mandat du syndic était nul de plein droit, le syndicat des copropriétaires était dépourvu de syndic au sens de l’article 47 du décret.

La demande du copropriétaire est rejetée en appel, la Cour d’appel de Paris considérant que l’éventuelle nullité de plein droit du mandat du syndic ne peut être constatée qu’au terme de la procédure contradictoire instaurée par l’article 49 du même décret.

A cet égard, l’article 49 du décret prévoit qu’en cas d’empêchement ou de carence du syndic celui-ci peut être assigné en référé par tout intéressé devant le président du tribunal de grande instance afin qu’il désigne un administrateur provisoire de la copropriété.

Autrement dit, pour la Cour d’appel, il n’y avait pas absence de syndic mais carence de celui-ci.

Le pourvoi formé par le copropriétaire est rejeté par la Cour de cassation, au motif que lorsque la désignation d’un administrateur provisoire est sollicitée sur requête la nullité du mandat du syndic dont se prévaut le requérant « doit avoir été constatée préalablement à l’issue d’une procédure contradictoire ».

On notera que la Cour de cassation opère une substitution de motif, rejetant ainsi le raisonnement retenu par la Cour d’appel : la nullité du mandat du syndic pour défaut d’ouverture d’un compte bancaire séparé n’est donc pas un cas de carence du syndic au sens de l’article 49 du décret, mais bien un cas d’absence de syndic au sens de l’article 47 du décret.

La solution n’est pas nouvelle ; la Cour de cassation avait déjà jugé qu’un administrateur provisoire ne peut être désigné, sur le fondement de l’article 47 du décret du 17 mars 1967, que s’il est établi que le syndicat est dépourvu de syndic. Tel n’est pas le cas lorsque la résolution de l’assemblée générale renouvelant le mandat du syndic n’a pas été annulée par le tribunal, quand bien même la résolution initiale nommant ledit syndic aurait été, quant à elle, annulée (Cass. civ. 3ème, 28 mai 2002, n°01-01.992).

A rapprocher : Article 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ; Article 47 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ; Article 49 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 ; Cass. civ. 3ème, 28 mai 2002, n°01-01.992 ; Article 14 du Code de procédure civile

Sommaire

Autres articles

some
Mise en concurrence des marchés et contrats de travaux de copropriété et soumission au vote des devis
Cass. Civ. 3ème 09 mars 2022, n° 21-12.658 Afin de satisfaire à l’exigence de mise en concurrence des marchés et des contrats pour les travaux d’une copropriété et lorsque plusieurs devis ont été notifiés au plus tard en même temps…
some
Sanction du défaut d’information du cédant
Article L.145-16-1 du code de commerce Il est fréquent de stipuler dans les baux commerciaux qu’en cas de cession du bail par le preneur, ce dernier – en sa qualité de cédant – restera solidairement tenu envers le bailleur du…
some
Expropriation et copropriété : Limitation de l’indemnisation au droit juridiquement protégé
Cass. civ. 3ème, 18 mars 2021, n°20-13.562 Les indemnités allouées en application de l’article L.321-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain. N’en fait pas partie le préjudice de copropriétaires se…
Ne constitue pas une fraude le fait pour un copropriétaire de solliciter un permis de construire nonobstant l’opposition aux travaux exprimée par l’AG
CE, 23 octobre 2020, Ville de Paris et M. Antoine P., req. n°425457 Par une décision du 23 octobre 2020, qui sera mentionnée aux Tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat étend encore la théorie du propriétaire apparent, en allégeant…
some
Action en contestation de décision d’assemblée générale : seul un copropriétaire a qualité pour agir
Cass. civ. 3ème, 10 septembre 2020, n°19-14.646 Une demande en inopposabilité d’une décision prise en assemblée générale s’analyse en une contestation d’une décision d’assemblée générale. Une telle action peut être intentée uniquement par un copropriétaire. La demande d’un locataire en inopposabilité…
some
Pas d’habilitation nécessaire du syndic en défense à une action à l’encontre du syndicat et appel en garantie contre l’assureur de la copropriété
Cass. civ. 3ème, 27 février 2020, n°19-10.887 Le syndic n’a pas à être autorisé par l’assemblée générale des copropriétaires pour défendre à l’action introduite à l’encontre du syndicat et former une demande en garantie contre l’assureur de la copropriété. Dans…