Cass. civ. 3ème, 17 mai 2018, n°16-15.792
Les mesures d’expulsion d’un occupant et de démolition d’un bien construit illégalement sur le terrain d’autrui caractérisent une ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Ce qu’il faut retenir : Les mesures d’expulsion d’un occupant et de démolition d’un bien construit illégalement sur le terrain d’autrui caractérisent une ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Toutefois, ces mesures étant les seules de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien, cette ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété.
Pour approfondir : Deux époux assignent le propriétaire d’un terrain en revendication de la propriété, par prescription trentenaire, de la parcelle qu’ils occupent sans droit ni titre et sur laquelle ils ont construit illégalement leur maison. Le propriétaire du terrain, se prévalant de son titre de propriété, a sollicité la démolition de la maison et la libération des lieux.
Par une décision en date du 11 janvier 2016, la Cour d’appel de Cayenne n’a pas fait droit à la demande des occupants en considérant qu’ils ne rapportaient pas la preuve d’une prescription trentenaire, et leur a ordonné de quitter les lieux et de démolir les constructions édifiées.
L’époux occupant, devenu veuf au cours de la procédure, a formé un pourvoi en cassation en soutenant que le droit au domicile était une composante du droit à la vie privée dont le respect est protégé par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH). Celui-ci soutenait que toute ingérence à ce droit au domicile devait demeurer proportionnée au but légitime poursuivi, notamment en tenant compte de l’ancienneté de son occupation des lieux et de l’âge avancé de l’occupant qui le rendait particulièrement vulnérable.
Par un arrêt en date du 17 mai 2018, la Cour de cassation confirme la décision d’appel en retenant tout d’abord que « les mesures d’expulsion et de démolition d’un bien construit illégalement sur le terrain d’autrui caractérisent une ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant ». Toutefois, l’expulsion et la démolition « étant les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien, l’ingérence [dans le droit au respect du domicile de l’occupant] qui en résulte ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété ».
Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence selon laquelle le droit de propriété prime sur le droit au respect du domicile de l’occupant sans droit ni titre.
En effet, l’occupation illicite sans droit ni titre d’un bien appartenant à autrui constitue un trouble manifestement illicite (Cass. civ. 3ème, 20 juin 2010, n°08-16.088). Dès lors, bien qu’une mesure d’expulsion ayant pour effet de placer les occupants dans une grande précarité constitue une atteinte au droit au respect du domicile consacré par l’article 8 de la CEDH, cette mesure reste proportionnée au regard de l’atteinte portée au droit de propriété (Cass. civ. 3ème, 21 décembre 2017, n°16-25.469).
A rapprocher : Article 8 de la CEDH ; Article 544 du code civil ; Article 545 du code civil ; Cass. civ. 3ème, 20 juin 2010, n°08-16.088 ; Cass. civ. 3ème, 21 décembre 2017, n°16-25.469