CE, 6 juin 2018, Société Hurtevent, n°405608
Par un arrêt en date du 6 juin 2018, le Conseil d’Etat a apporté plusieurs précisions importantes en matière d’urbanisme commercial.
Ce qu’il faut retenir : Par un arrêt en date du 6 juin 2018, le Conseil d’Etat a apporté plusieurs précisions importantes en matière d’urbanisme commercial :
- D’abord, le Conseil d’Etat considère que les surfaces sur lesquelles s’étendent le hall d’entrée ainsi que la caisse centrale d’un commerce de détail n’entrent pas dans le calcul de la surface de vente dudit commerce, dès lors que ces surfaces ne sont pas utilisées pour vendre des produits ;
- Ensuite, le Conseil d’Etat affirme que l’augmentation du nombre de places de stationnement en cours d’instruction ne nécessite pas le dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation ;
- Enfin, la Haute juridiction administrative confirme que le juge du fond exerce une appréciation souveraine sur la compatibilité des autorisations d’exploitation commerciale avec les orientations posées par les différents documents d’urbanisme applicables.
Pour approfondir : Depuis la réforme opérée par la Loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dite Loi « Pinel » et le Décret n°2015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial, le Conseil d’Etat ne s’est que très rarement prononcé sur le régime de l’urbanisme commercial.
Par cet arrêt du 6 juin 2018, le Conseil d’Etat prend le parti d’assouplir quelque peu ce régime particulier, et de définir certaines notions essentielles à sa mise en œuvre.
En premier lieu, le Conseil d’Etat revient sur la notion de surface de vente, en apportant des précisions sur ce qui pouvait ou non être intégré pour son calcul.
C’est la Loi n°72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, qui a d’abord défini les surfaces de vente. Ces dernières « s’entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l’exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente ».
Cette définition a été donnée pour l’application et le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales mais sert également de base au calcul de la surface de vente du régime d’autorisation d’exploitation commerciale du Code de commerce. La surface de vente est donc un élément primordial du régime de l’urbanisme commercial.
En effet, la surface de vente détermine s’il y a lieu ou non d’obtenir une autorisation d’exploitation commerciale puisque tout projet comportant une surface de vente supérieure à 999 m² doit nécessairement conduire à la saisine de la Commission départementale d’aménagement commercial.
En outre, le demandeur d’une autorisation d’exploitation commerciale est tenu, au regard des dispositions de l’article R.752-6 du Code de commerce, de préciser la surface de vente qui sera exploitée dans son commerce.
En l’espèce, le Conseil d’Etat clarifie ce qui doit être pris en compte dans le calcul de la surface de vente des commerces de détail. Il rappelle que la surface de vente est un lieu accessible à la clientèle et directement lié à la vente de produits.
Il précise qu’un hall d’entrée et une caisse centrale peuvent être exclus du calcul de la surface de vente dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que ces surfaces seraient affectées à la vente de produits.
En deuxième lieu, le Conseil d’Etat apporte des précisions s’agissant de l’application des dispositions de l’article L.752-15 du Code de commerce et donc de la notion de modification substantielle d’un projet.
Cet article impose qu’une nouvelle demande soit déposée lorsque le projet, en cours d’instruction ou dans sa réalisation, se voit substantiellement modifié.
Au cas présent, le projet instruit portait sur un magasin de 2 000 m² de surface de vente. En cours d’instruction, le pétitionnaire a augmenté la surface de stationnement et prévu la création de 38 places de stationnement supplémentaires.
La surface n’étant pas augmentée et les autres caractéristiques du projet n’étant pas modifiées, le Conseil d’Etat a estimé que cette modification ne pouvait être considérée comme une modification substantielle et qu’à ce titre, il n’était pas de nature à justifier le dépôt d’une nouvelle demande.
Enfin en troisième lieu, la Haute juridiction administrative, reprenant la solution qu’elle avait déjà dégagée dans un arrêt du 18 décembre 2017 n°380438, réaffirme que la compatibilité des autorisations d’aménagement commercial avec les orientations et objectifs énoncés par les documents d’urbanisme et notamment le schéma de cohérence territoriale ou le cas échéant, les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme, relève d’une appréciation souveraine des juges du fond.
A rapprocher : CAA de Douai, 29 septembre 2016, n°15DA01670