CA Paris, 24 janvier 2018, RG n°16/09460 ; CA Lyon, 18 janvier 2018, RG n°14/10142
Dans deux arrêts rendus en début d’année, l’un par la Cour d’appel de Lyon, l’autre par la Cour d’appel de Paris, la mention figurant dans la clause d’indexation aux termes de laquelle par le jeu de cette clause, le loyer ne devra jamais être inférieur au loyer de base se trouve invalidée.
Ce qu’il faut retenir : Dans les deux décisions commentées, la clause d’indexation prévoyait bien la réciprocité à la hausse et à la baisse mais fixait une limite à la baisse en prévoyant que par le jeu de la clause d’indexation, le loyer ne devrait jamais être inférieur au loyer de base qui constituait un loyer « plancher ».
Alors que la Cour d’appel de Lyon considère que seule la mention relative au « plancher » doit être « réputée non écrite », la Cour d’appel de Paris estime que la clause d’indexation forme un tout de sorte qu’elle doit être « annulée » pour le tout.
Pour approfondir : On sait que la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de sanctionner les clauses d’indexation ne jouant qu’à la hausse en considérant « qu’est nulle une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse ». En conséquence, la Cour de cassation a considéré que cette clause devait être réputée non écrite (Cass. civ. 3ème, 14 janvier 2016, n°14-24.681).
Dans cette hypothèse, le Preneur est bien fondé à solliciter le remboursement de l’ensemble des indexations pratiquées dans la limite de la prescription quinquennale. Par ailleurs, en faisant acter la nullité de la clause, cela lui permet de revenir au loyer initial.
Dans les deux décisions commentées, la situation était différente et, en réalité, en pratique, plus fréquente.
En effet, il était prévu dans le bail que la clause d’indexation jouait à la hausse et à la baisse, mais que « l’application de la clause d’indexation ne pourra toutefois en aucun cas avoir pour effet de fixer le loyer à un montant inférieur au loyer initial ».
La clause d’indexation prévoyait donc bien la réciprocité à la hausse et à la baisse mais fixait une limite à la baisse en prévoyant que par le jeu de la clause d’indexation, le loyer ne devrait jamais être inférieur au loyer de base qui constituait un loyer « plancher ».
Cette stipulation est également sanctionnée.
C’est ainsi que la Cour d’appel de Lyon, dans son arrêt du 18 janvier 2018, a jugé que « cette clause d’échelle mobile dont le propre est de faire varier à la hausse et à la baisse, fausse le jeu normal de la variation en ce qu’elle fixe un plancher à la baisse et ainsi elle contrevient aux dispositions de l’article L.112-1 alinéa 2 du Code monétaire et financier, peu important que, dans la pratique, la diminution de loyer en deçà de son montant d’origine ne se soit pas concrétisée dès lors que la clause organise la distorsion prohibée ».
De la même façon, la Cour d’appel de Paris, dans sa décision du 24 janvier, a considéré que « le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier le loyer à la hausse et à la baisse, une clause écartant toute réciprocité de variation fausse le jeu normal de l’indexation, or une clause qui prévoit un plancher, empêche la clause de jouer complètement à la baisse. Le plancher fait échec au caractère automatique de l’indexation exigé par l’article L.112-1 alinéa 1 du Code monétaire et financier et il induit un risque de décrochage de la variation du loyer par rapport à la variation de l’indice, alors que l’article L.112-2 alinéa 1 exige l’existence d’une relation directe entre l’indice retenu par les parties et l’objet de la convention ».
En revanche, l’étendue de la sanction retenue est différente.
En effet, les magistrats de Lyon ont considéré que « seule la clause prévoyant un plancher doit être réputée non écrite ».
A l’inverse, les magistrats parisiens ont estimé que « la clause d’indexation forme un tout et les parties n’auraient pas stipulé la clause d’indexation sans une telle restriction si bien qu’elle doit être annulée pour le tout ».
Les conséquences sont bien évidemment différentes.
En effet, dans l’affaire jugée à Lyon, la Cour a considéré qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à une demande de restitution dès lors que seule la clause « plancher » était annulée et que dans la mesure où la baisse de l’indice n’avait jamais conduit à un loyer inférieur au loyer de base, le locataire ne pouvait faire valoir une créance de remboursement.
A l’inverse, dans l’affaire jugée à Paris, la Cour ayant annulé la clause d’indexation dans son ensemble, le locataire a pu demander la restitution de l’ensemble des sommes versées au bailleur au titre de l’indexation des loyers en application de la clause litigieuse.
A ce stade, et à notre connaissance, la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur l’étendue de la sanction à retenir.
Sur ce point, on peut considérer que la position retenue par la Cour d’appel de Paris a le mérite de la clarté. Elle a en effet retenu que la clause d’indexation formait un tout constituant la volonté des parties de sorte qu’il n’y avait pas lieu de diviser la clause pour en sauver une partie.
Les Preneurs sont par conséquent aujourd’hui informés que dans l’hypothèse où figure dans leur bail une clause de cette nature, ils disposent potentiellement d’une créance de remboursement dont le montant peut s’avérer très important lorsque l’on sait qu’ils peuvent remonter sur les indexations pratiquées sur les 5 dernières années.
Ils peuvent par ailleurs voir leur loyer ramené au montant du loyer initial.
Cela constitue à l’évidence un levier majeur de négociation avec un bailleur qui, du fait de la rédaction d’une clause d’indexation trop ambitieuse risque de se heurter à une absence totale d’indexation.
Il convient de noter que le risque se perpétue dans le temps car, sauf stipulations contraires, en cas de renouvellement, le bail renouvelé se fait aux clauses et conditions du bail antérieur, ce qui signifie qu’il sera renouvelé sans clause d’indexation si celle-ci est annulée.
A rapprocher : Article L.112-1 du Code monétaire et financier ; Cass. civ. 3ème, 14 janvier 2016, n°14-24.681