Cass. civ. 3ème, 17 mai 2018, n° 17-15.146
Une clause d’indexation comportant un indice de base fixe n’entraine pas de distorsion de loyer et n’est pas illicite dès lors que la période de variation de l’indice coïncide avec la durée s’écoulant entre deux indexations.
Ce qu’il faut retenir : Une clause d’indexation comportant un indice de base fixe n’entraine pas de distorsion de loyer et n’est pas illicite dès lors que la période de variation de l’indice coïncide avec la durée s’écoulant entre deux indexations.
La clause d’indexation en question ayant entrainé une augmentation de loyer de plus du quart depuis sa dernière fixation, le loyer sera révisé à la valeur locative (article L.145-39 du Code de commerce). Le juge doit adapter le jeu de la clause d’échelle mobile au jour de la demande de la révision, la révision du loyer ne pouvant elle-même organiser une distorsion prohibée par la loi.
Pour approfondir : La société A HOTEL a donné à bail commercial à la société PARIS LOOK des locaux à usage de parfumerie situés 16 boulevard Haussmann à Paris, pour une durée de neuf ans à compter du 1er juillet 1994, moyennant un loyer initial de 213 428,62 € HT, indexé annuellement sur l’indice du coût de la construction.
Le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2003 a été fixé par le juge des loyers à la valeur indiciaire, soit la somme de 246 199,16 €. Au 1er juillet 2009, par application du jeu de la clause d’indexation, le loyer s’élevait à 319 932, 86 € HT, soit une augmentation de plus de 29 % depuis le 1er juillet 2003.
La société bailleresse a par la suite saisi le Tribunal de grande instance de Paris en révision du loyer en fixation à la valeur locative estimée à 1 066 784 € HT sur le fondement de l’article L.145-39 du Code de commerce, ce à compter du 23 décembre 2009, date de la demande de révision formulée par le bailleur par exploit d’huissier.
Le preneur a demandé, à titre reconventionnel, de réputer non écrite la clause d’indexation stipulée au bail au motif qu’elle créerait une distorsion entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre deux révisions, prohibée par l’article L.112-1 du Code monétaire et financier.
La clause d’indexation stipulait en l’espèce que le loyer serait indexé tous les ans sur l’indice du coût de la construction et, pour la première fois, le 1er janvier 1995 et en raison du décalage existant entre la date de publication de l’indice et le jour de l’échéance de la révision, l’indice de référence serait celui du 4e trimestre 1993 et l’indice de comparaison celui du 4e trimestre de l’année civile précédant le jour anniversaire de la révision.
Même si la jurisprudence ne condamne pas la référence à un indice de base fixe, c’est à la condition qu’il n’existe pas de distorsion. Après avoir constaté que l’indice de référence utilisé a constamment été celui du 4e trimestre 1994 et que l’indice de comparaison a toujours été celui du 4e trimestre précédent la date de révision le 1er janvier de chaque année, elle a estimé qu’il n’y a eu aucune distorsion entre périodes de variation de l’indice et périodes de révision du loyer.
Or, le preneur soutenait que la demande de révision formulée par le bailleur sur le fondement de l’article L.145-39 du Code de commerce étant intervenue le 23 décembre 2009, le loyer serait ensuite indexé le 23 décembre 2010 en prenant en compte les indices initiaux visés au bail (pour une indexation au 1er juillet), ce qui créerait une distorsion.
Il est rappelé qu’à supposer que le juge de la révision (i.e. le juge des loyers) fixe le loyer révisé à une date distincte de celle prévue par la clause d’indexation, il lui appartiendra également d’adapter le jeu de la clause d’échelle mobile à la valeur locative par application de l’article R.145-22 du Code de commerce qui stipule que « le juge adapte le jeu de l’échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande », de sorte que la révision du loyer ne pourra elle-même organiser la distorsion prohibée.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le preneur et retient que la Cour d’appel en a exactement déduit que la clause d’indexation stipulée n’était pas illicite et que le loyer ayant augmenté de plus du quart depuis sa dernière fixation, la demande du bailleur de fixation du loyer révisé à la valeur locative était recevable.
A rapprocher : Cass. civ. 3ème, 16 octobre 2013, n°12-16.335 ; Cass. civ. 3ème, 9 février 2017, n°15-28.691 ; Cass. civ. 3ème, 25 février 2016, n°14-28.165