Cass. civ. 3ème, 17 mai 2018, n°17-16.113, publié au Bulletin
La Cour de cassation retient que le droit de préemption du locataire commercial introduit par la loi Pinel et prévu à l’article L.145-46-1 du Code de commerce ne joue pas (i) en cas de vente judiciaire ou encore (ii) en cas de cession globale de l’immeuble comprenant en l’espèce les locaux loués mais également un terrain nu contigu.
Ce qu’il faut retenir : La Cour de cassation retient que le droit de préemption du locataire commercial introduit par la loi Pinel et prévu à l’article L.145-46-1 du Code de commerce ne joue pas (i) en cas de vente judiciaire ou encore (ii) en cas de cession globale de l’immeuble comprenant en l’espèce les locaux loués mais également un terrain nu contigu.
Pour approfondir : En l’espèce, une société civile immobilière a été constituée en mars 2009 afin d’acquérir un local commercial à usage de restaurant avec parking et un terrain attenant qualifié de « terrain à bâtir ». Le local commercial a ensuite été donné à bail à une société et le terrain attenant a fait l’objet de baux commerciaux consentis à deux autres sociétés.
En juillet 2013, les associés de la SCI, propriétaire de l’immeuble et du terrain, ont voté la dissolution et la liquidation amiable de la société.
Un liquidateur amiable a été désigné par le tribunal avec pour mission de réaliser l’actif et de vendre tous les biens de la SCI avec la liberté de choisir le procédé de vente le plus approprié. Une partie des associés de la SCI a cependant rejeté la résolution de mise en vente du bien immobilier aux enchères publiques, procédé pourtant choisi par le liquidateur. Ce dernier a par conséquent saisi le tribunal afin d’obtenir l’autorisation de procéder à cette vente. Une partie des associés de la SCI s’y est opposée jugeant que le liquidateur devait préalablement proposer l’immeuble à la vente au locataire du local commercial à usage de restaurant, bénéficiaire selon eux du droit de préemption prévu à l’article L.145-46-1 du Code de commerce.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a fait droit à la demande du liquidateur jugeant, d’une part, que le droit de préemption du locataire prévu à l’article L.145-46-1 du Code de commerce n’a pas à s’appliquer dès lors que la vente de l’immeuble intervient dans le cadre de la liquidation amiable de la SCI et donc d’une vente judiciaire et non d’une vente de gré à gré ; d’autre part, que le locataire en question n’est pas locataire commercial de la totalité de l’immeuble mis en vente puisque le terrain à bâtir a été donné à bail commercial à deux autres sociétés, de sorte que la cession globale de l’immeuble ne peut donner lieu à exercice d’un droit de préemption par le locataire d’une partie seulement de l’immeuble vendu globalement.
Un pourvoi en cassation fut formé.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et motive sa décision en ces termes :
« Mais attendu qu’ayant retenu que la vente aux enchères publiques de l’immeuble constituant l’actif de la SCI en liquidation, était une vente judiciaire et relevé que la société (…) n’était locataire que pour partie de l’ensemble immobilier mis en vente, le terrain ayant été donné à bail à d’autres sociétés, la Cour d’appel, qui n’avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a à bon droit déduit que les dispositions de l’article L.145-46-1 n’étaient pas applicables et que la cession globale de l’immeuble ne pouvait donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption par la société (…) »
La Cour de Cassation livre une première interprétation de l’article L.145-46-1 du Code de commerce : elle retient que le droit de préemption du locataire ne joue que si la vente n’est pas forcée et ce, dans le strict respect du texte : « Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci ».
En outre, la Cour de cassation vient préciser que la cession du local commercial, mais également du terrain à bâtir attenant, s’analyse comme une cession globale de l’immeuble au sens de l’article L.145-46-1 du Code de commerce et ce, alors même le terrain attenant était vide de toute construction mais pour autant était loué à une autre société que le preneur.
A rapprocher : Aix-en-Provence, 30 janvier 2018, n°16/19016