CE, 7 mars 2018, n°404079
Par un arrêt en date du 7 mars 2018, publié au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat a apporté plusieurs précisions importantes.
Ce qu’il faut retenir : Par un arrêt en date du 7 mars 2018, publié au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat a apporté plusieurs précisions importantes :
- D’abord, le recours contentieux introduit contre le rejet d’un recours gracieux doit être considéré, par le Juge administratif, comme un recours exercé à l’encontre de la décision originelle ;
- Ensuite, le Conseil d’Etat prend le parti d’élargir l’effet de régularisation en permis de construire modificatif, en permettant à l’autorisation initiale de bénéficier d’une évolution favorable du document d’urbanisme ;
- Enfin, la Haute juridiction administrative consacre l’irrecevabilité d’un moyen tiré de la violation du Code de commerce contre un permis de construire modificatif.
Pour approfondir : Le 30 septembre 2015, le maire de la commune de Wissembourg a délivré un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale à la SNC LIDL. Le 4 décembre 2015, à la suite de cette délivrance, Madame B… A… a effectué un recours gracieux auprès du maire qui a fait l’objet d’un rejet par courrier en date du 15 décembre 2015. La requérante décide alors de contester ce rejet en saisissant la Cour administrative d’appel compétente en vertu des dispositions de l’article L.600-10 du Code de l’urbanisme. La Cour administrative d’appel de Nancy a annulé ce rejet estimant que l’implantation du commerce dont la réalisation était contestée, méconnaissait la destination de l’emplacement réservé institué sur son terrain d’assiette. En revanche, elle déclare irrecevable les conclusions dirigées contre l’autorisation d’urbanisme elle-même, puisqu’elles ont été formulées après l’expiration du délai de recours.
Par ailleurs, la Cour administrative d’appel rejette les conclusions aux fins d’annulation du permis de construire modificatif qui avait été délivré à la suite de la modification du document d’urbanisme et donc de la suppression de l’emplacement réservé, et qui avait fait l’objet d’un recours introduit parallèlement.
Par la décision ici commentée, le Conseil d’Etat a cassé les arrêts de la Cour administrative d’appel pour ne pas avoir tenu compte du lien existant entre le rejet du recours gracieux et le permis de construire initial.
En premier lieu, d’un point de vue contentieux, le Conseil d’Etat est venu préciser l’office du Juge administratif lorsque celui-ci est saisi d’une demande d’annulation du rejet d’un recours gracieux. Ainsi, le Juge administratif doit considérer qu’un recours contentieux introduit consécutivement au rejet d’un recours gracieux qui n’avait d’autre objet que d’inviter l’auteur de l’acte litigieux à reconsidérer sa position, est dirigé non seulement contre le rejet du recours gracieux mais également contre la décision initiale. Aussi la Cour administrative d’appel ne pouvait considérer être uniquement saisie de conclusions visant à l’annulation du rejet du recours gracieux.
En deuxième lieu, d’un point de vue opérationnel, le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel lorsqu’une autorisation d’urbanisme est délivrée en méconnaissance des règles d’urbanisme, l’illégalité qui en résulte peut faire l’objet d’une régularisation par l’obtention d’un permis de construire modificatif.
Il est néanmoins impératif que cette autorisation modificative respecte les règles de fond applicables au projet, réponde aux exigences de forme et soit précédée de l’exécution régulière de l’ensemble des formalités procédurales.
La Haute juridiction a également précisé que l’autorisation initiale peut être régularisée par un permis modificatif si le document d’urbanisme a entretemps été modifié et considère que dans un tel cas, les irrégularités du permis initial, régularisées par le permis modificatif, ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours contentieux.
Au cas présent, la suppression de l’emplacement réservé induite par la modification du PLUI et la délivrance postérieure d’un permis de construire modificatif, régularisait l’illégalité qui entachait le permis de construire initial. Le Conseil d’Etat élargit donc les possibilités de régulariser une autorisation initiale viciée.
Enfin, en troisième lieu, le Conseil d’Etat a rappelé que les dispositions du Code de commerce, d’une part, et du Code de l’urbanisme, d’autre part, devaient être considérées comme indépendantes. Aussi a-t-il rejeté un moyen tiré de l’absence de consultation de la Commission départementale d’aménagement commercial dans le cadre de l’instruction préalable à la délivrance du permis de construire modificatif, considérant que le permis de construire modificatif n’était qu’une simple autorisation de construire.
A rapprocher : Conseil d’Etat, 2 février 2004, n°238315