Bail commercial : la nullité de la location-gérance prive le preneur du droit au renouvellement

Cass. civ. 3ème, 22 mars 2018, n°17-15.830

Le contrat de location-gérance conclu en violation de l’obligation du preneur d’exploiter personnellement son fonds de commerce pendant au moins deux ans prévue à l’article L.144-3 du Code de commerce est atteint de nullité absolue.

Ce qu’il faut retenir : Le contrat de location-gérance conclu en violation de l’obligation du preneur d’exploiter personnellement son fonds de commerce pendant au moins deux ans prévue à l’article L.144-3 du Code de commerce est atteint de nullité absolue. Et cette nullité entraine à l’égard des contractants la déchéance des droits qu’ils pourraient tenir au titre du renouvellement des baux notamment des baux commerciaux (article L.144-10 du Code de commerce).

Pour approfondir : En l’espèce, une société a pris à bail des locaux commerciaux le 1er avril 2004 et acquis un fonds de commerce le 12 avril 2005 qu’elle a mis en location-gérance le 20 mars 2006, soit un peu moins deux ans suivant la prise d’effet du bail.

En mai 2012, le bailleur délivre un congé au preneur avec refus de renouvellement du bail commercial sans indemnité d’éviction à raison du non-respect du délai de deux ans d’exploitation personnelle avant la mise en location-gérance. Le locataire, se voyant refuser le renouvellement de son bail et privé d’indemnité d’éviction, a assigné le bailleur en contestation du congé.

La Cour d’appel de Pau, par un arrêt du 10 janvier 2017, a fait droit à sa demande considérant que le fait pour un preneur de donner son fonds de commerce en location-gérance sans l’avoir préalablement personnellement exploité pendant au moins deux ans conformément à l’article L.144-3 du Code de commerce peut, certes, entrainer la nullité du contrat de location-gérance, mais ne constitue pas pour autant un motif grave et légitime privatif d’indemnité d’éviction et ce, dans la mesure où le bailleur n’était pas intervenu à l’acte et ne prouve pas le préjudice subi par lui.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel.

La Cour de cassation rappelle que le contrat de location-gérance en question est atteint de nullité en l’espèce à raison du défaut d’exploitation personnelle du fonds de commerce pendant deux ans et que cette nullité est absolue, laquelle pourrait donc être invoquée par toute personne y ayant un intérêt.

Mais c’est à raison des dispositions expresses du Code de commerce (article L.144-10) que la Cour de cassation retient que la nullité du contrat de location-gérance entraîne à l’égard des contractants la déchéance des droits qu’ils pourraient éventuellement tenir des dispositions du statut des baux commerciaux en ce qui concerne leur renouvellement.

Le bailleur est donc fondé à motiver son refus de renouvellement sans indemnité d’éviction au motif que le preneur n’a pas respecté les dispositions régissant la location-gérance.

Enfin, pour rappel, le refus de renouvellement peut être fondé à raison d’un motif tenant à la violation de règles contractuelles, statutaires ou extracontractuelles sous réserve toutefois de justifier de la gravité des motifs invoqués ; la gravité faisant l’objet d’une appréciation souveraine des juges du fond.

A rapprocher : Articles L.144-1 et suivants du Code de commerce ; Article L.145-8 du Code de commerce

Sommaire

Autres articles

some
Palmarès 2021
Top 3 décisions de la Cour de cassation L’année 2022 venant à peine de commencer, la saison invite inévitablement à se retourner sur l’année écoulée et à faire un bilan. D’autant que les prochaines nouveautés – que l’expérience nous fait…
some
Valeur verte des immeubles et baux commerciaux
Dans quelle mesure un bailleur-investisseur ou un le locataire commercial ont-ils aujourd’hui respectivement intérêt à donner et à prendre à bail un bien performant sur le plan environnemental ? En d’autres termes, la « valeur verte » d’un actif permet-elle…
some
Application de la « loi Pinel » dans le temps : précision sur la date du « contrat renouvelé »
Cass. civ. 3ème, 17 juin 2021, n°20-12.844, FS-B « Un contrat étant renouvelé à la date d’effet du bail renouvelé », les dispositions du statut des baux commerciaux relatives aux charges, issues de la « loi Pinel » et de son décret d’application, applicables…
some
Nature du droit propriétaire commercial
Que distingue le droit de préférence du droit de préemption, de substitution et de propriété ? La nature du droit conféré au locataire d’un local commercial aux termes de l’article L.145-46-1 du Code de commerce revêt des enjeux de qualification juridique.…
some
La défense du droit de propriété face au droit de préférence
Le droit de préférence dont bénéficie le preneur à bail d’un local commercial aux termes de l’article L.145-46-1 du Code de commerce peut constituer, dans des cas extrêmes, une limitation préoccupante au droit de disposer du propriétaire des murs. Les…
some
Covid-19 et non-paiement des loyers commerciaux pour la période d’avril et mai 2020
CA Riom, ch. civ. 1ère, 2 mars 2021, n°20/01418 Si bailleur et preneur, en période de Covid-19, doivent, de bonne foi, se concerter sur la nécessité d’aménager les modalités d’exécution de leurs obligations respectives, les moyens du locataire – défaut…