CEDH, 16 janvier 2018, n°50821/06 et n°60633/16
Un taux d’imposition de 20 % applicable aux indemnités d’expropriation en vertu d’une loi interne ne porte pas une atteinte disproportionnée ou déraisonnable au droit de propriété des expropriés.
Ce qu’il faut retenir : Un taux d’imposition de 20 % applicable aux indemnités d’expropriation en vertu d’une loi interne ne porte pas une atteinte disproportionnée ou déraisonnable au droit de propriété des expropriés.
Pour approfondir : En l’espèce, des communes italiennes ont procédé à l’expropriation de terrains appartenant à des particuliers. En contrepartie, ces derniers ont reçu, au terme d’une procédure judiciaire, une indemnité d’expropriation compensatrice de cette privation, d’un montant équivalent à la valeur marchande des biens expropriés, déduction faite d’une imposition de 20 % en application d’une loi fiscale italienne.
Les ressortissants italiens expropriés ont saisi la Cour Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales pour violation par l’Etat de leur droit de propriété, sur le fondement de l’article 1er du protocole n°1 à la Convention Européenne, selon lequel toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens, nul ne pouvant être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les expropriés invoquaient une atteinte à leur droit de propriété dès lors que, diminuée de ce prélèvement fiscal, l’indemnité d’expropriation qui leur avait été octroyée était inférieure à la valeur marchande de leurs biens.
Dans ces deux arrêts du 16 janvier 2018, les juges de la Cour de Strasbourg déclarent irrecevables les requêtes des expropriés.
Le contrôle de la Cour portait ainsi sur le caractère déraisonnable ou disproportionné de la charge que fait éventuellement peser l’impôt sur les administrés, la somme ainsi prélevée ne devant pas rompre l’équilibre nécessaire entre la protection des droits des administrés et l’intérêt général qui s’attache à son prélèvement.
En l’espèce, la Cour déclare irrecevables les requêtes au motif notamment que le taux de 20 % appliqué aux indemnités d’expropriation ne peut, en lui-même, être regardé comme disproportionné ou déraisonnable. Il en aurait été différemment si le paiement de l’impôt avait eu pour effet de priver les expropriés de leur indemnisation ou si cette taxe avait fondamentalement compromis la situation financière des requérants.
La Cour rappelle que l’alinéa 1er de l’article 1er du protocole n°1 à la Convention européenne prévoit effectivement que chacun a droit au respect de ses biens. Mais elle précise également que l’alinéa 2 de cet article indique que les Etats ont droit « de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts […] ».
Les Etats disposent à ce titre d’une marge d’appréciation en matière fiscale qui leur permet notamment de décider du type d’impôt à lever, et du procédé (pour un arrêt récent en ce sens : CEDH, « Arnaud et autres c/ France », 15 janvier 2015, n°36918/11).
La marge d’appréciation des Etats doit toutefois respecter une base raisonnable, qui tient compte d’un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux des individus (en ce sens, CEDH « Arnaud et autres c/ France », précité).
A rapprocher : CEDH, « Arnaud et autres c/ France », 15 janvier 2015, n°36918/11 ; CEDH, « Messana c/ Italie », 9 février 2017, n°26128/04