Cass. civ. 3ème, 20 septembre 2017, n°15-14.176
La banque est tenue d’une obligation de mise en garde. Le notaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée et les effets, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur les risques…
Ce qu’il faut retenir : Ayant relevé que, malgré le patrimoine immobilier et financier des emprunteurs, l’opération était néanmoins hors de proportion avec leurs moyens, compte tenu du taux d’endettement élevé et de l’évolution défavorable de leurs revenus, la Cour d’appel a pu en déduire que la banque était tenue à leur égard d’une obligation de mise en garde. Faute de l’avoir exécutée, la banque a engagé sa responsabilité contractuelle.
Le notaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée et les effets, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur les risques, de l’acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller. Cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l’acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance.
Pour approfondir : Dans cette affaire, un couple a acquis, par acte authentique reçu le 19 juin 2008, divers biens immobiliers en vue de leur location dans le cadre d’une opération de défiscalisation, à l’aide d’un prêt consenti par une banque. Insatisfaits des résultats de l’opération, les acquéreurs ont assigné le notaire et la banque en responsabilité.
La Cour d’appel a retenu que la banque avait engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard des emprunteurs pour manquement à ses obligations de conseil et de mise en garde. En revanche, la Cour d’appel a écarté la responsabilité du notaire, en relevant que celui-ci n’avait pas été associé aux discussions tenant à l’intérêt d’une défiscalisation, ni à la valeur du bien acquis ou aux possibilités de location. Pour la Cour d’appel, le notaire ne pouvait avoir connaissance de la situation réelle des acquéreurs sur le plan fiscal, dès lors qu’il n’avait reçu aucune information réelle sur ce point et n’avait pu les rencontrer de leur propre fait.
En ce qui concerne la responsabilité de la banque, les acquéreurs ont soutenu, à l’appui de leur pourvoi, que :
- d’une part, la responsabilité de la banque pour manquement à ses obligations d’information et de renseignement étant de nature contractuelle, la Cour d’appel ne pouvait retenir que la banque a commis à l’égard des emprunteurs une faute engageant sa responsabilité délictuelle ;
- d’autre part, le caractère disproportionné d’un crédit doit s’apprécier au regard non seulement des revenus de l’emprunteur mais encore de son patrimoine financier, mobilier et immobilier ;
- enfin, le banquier, tenu d’un devoir de non-immixtion dans les affaires de ses clients, ne peut se voir reprocher le fait de ne pas les avoir conseillés sur l’opportunité de contracter.
Sur ce point, la Cour de cassation rappelle que l’objet et les effets du contrat de vente et du crédit étant distincts, la Cour d’appel a pu, sans se contredire, retenir qu’à la différence du crédit, l’achat immobilier n’était pas disproportionné. Ayant relevé que malgré le patrimoine immobilier et financier des emprunteurs, l’opération était néanmoins hors de proportion avec leurs moyens, compte tenu du taux d’endettement élevé et de l’évolution défavorable de leurs revenus, la Cour d’appel a pu en déduire que la banque était tenue à leur égard d’une obligation de mise en garde. Faute de l’avoir exécutée, la banque a engagé sa responsabilité, peu important que, dans le dispositif de l’arrêt, ait été prononcée la confirmation du jugement qui avait qualifié la responsabilité de la banque de délictuelle.
En ce qui concerne la responsabilité du notaire, la Haute juridiction précise que le notaire est tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée et les effets, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur les risques, de l’acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller. Cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l’acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance.
En l’espèce, en se déterminant par des motifs impropres à exclure un manquement du notaire à son devoir de conseil, notamment quant aux conséquences de l’opération immobilière, dont il n’a pas soutenu devant la Cour d’appel avoir ignoré le but fiscal, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. L’arrêt d’appel est donc partiellement cassé, en ce qu’il a écarté la responsabilité du notaire.
Selon la jurisprudence, au titre de son devoir de mise en garde, la banque est tenue de s’informer de la situation financière de l’emprunteur pour vérifier si le crédit est adapté à ses capacités financières et attirer son attention sur les éventuels dangers de l’opération. Parallèlement, la Haute juridiction considère qu’un notaire est fautif lorsque, connaissant le motif de défiscalisation des acheteurs, il ne les a pas informés des aléas de la défiscalisation attendue.
A rapprocher : Cass. ch. mixte 29 juin 2007, n°05-21.104 et 06-11.673 ; Cass. civ. 13 décembre 2005 n°03-11.433