Cass. civ. 3ème, 7 septembre 2017, n°16-15.012
L’action engagée par le bailleur visant à obtenir l’expulsion du locataire, en lui déniant l’application du statut des baux commerciaux pour défaut d’immatriculation à la date du congé ou à sa date d’effet, n’est pas soumise à la prescription biennale de l’article L.145-60 du Code de commerce.
Dans un arrêt rendu le 7 septembre 2017, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation qui a souhaité assurer une large diffusion à sa décision, précise que le bailleur qui a offert le paiement d’une indemnité d’éviction après avoir exercé son droit d’option peut dénier au locataire le droit au statut des baux commerciaux tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction.
Ce qu’il faut retenir : L’action engagée par le bailleur visant à obtenir l’expulsion du locataire, en lui déniant l’application du statut des baux commerciaux pour défaut d’immatriculation à la date du congé ou à sa date d’effet, n’est pas soumise à la prescription biennale de l’article L.145-60 du Code de commerce.
Pour approfondir : Dans cette affaire, le bailleur avait fait délivrer à son locataire un congé avec offre de renouvellement pour le 31 mars 2010.
Sans que l’on sache si une action en fixation du loyer du bail renouvelé avait été engagée, et en toute hypothèse avant l’expiration du délai de deux ans, le bailleur a exercé son droit d’option et a fait signifier à son locataire le 6 mars 2012 un nouveau congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction.
Moins de quatre mois plus tard, le bailleur a finalement pris l’initiative, le 20 juillet 2012, d’assigner son locataire en expulsion en faisant valoir son défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés à la date du congé et à sa date d’effet.
La Cour d’appel de Paris avait rejeté la demande du bailleur en relevant que son action était prescrite dès lors qu’il n’avait pas agi dans le délai de prescription de l’article L.145-60 du Code de commerce, soit dans le délai de deux ans à compter de la date d’effet du congé, la condition d’immatriculation devant s’apprécier à cette date (CA Paris, 30 mars 2016).
Cette décision est censurée par la Cour de cassation qui exclut du champ de la prescription biennale de l’article L.145-60, l’action du bailleur visant à faire constater que son locataire ne peut pas bénéficier du statut des baux commerciaux.
On sait que la dénégation du bénéfice du statut peut être opposée dès la délivrance du congé ou en réponse à la demande de renouvellement. Elle peut également être invoquée à tout moment de la procédure de renouvellement et notamment, pour la première fois en cause d’appel (Cass. civ. 3ème, 12 octobre 1960, Bull. n°320 – même si la solution de cette décision ancienne est susceptible d’évoluer avec la réforme de la procédure d’appel).
On sait désormais que lorsque le bailleur exerce son droit d’option, il peut invoquer la dénégation du droit au statut tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction, et ce, même si ce refus opposé au locataire du droit au statut intervient plus de deux ans après le fait générateur motivant la dénégation.
La prescription biennale ne peut donc pas être opposée au bailleur qui invoque la dénégation du droit au statut.
Cette solution peut se comprendre par une lecture stricte de l’article L.145-60 du Code de commerce aux termes duquel « toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans ».
Or, l’assignation en expulsion du locataire en raison de son défaut d’immatriculation n’est pas une action exercée en vertu du chapitre relatif au bail commercial. En effet, elle vise au contraire à faire constater que le statut des baux commerciaux n’est pas applicable.
Il convient par conséquent pour le locataire de rester vigilant sur cette question de son immatriculation à bonne date au registre du commerce et des sociétés pour l’établissement considéré (Cf. Cass. civ. 3ème, 8 septembre 2016, n°15-17.879) et pour l’activité exercée (Cf. Cass. civ. 3ème, 22 septembre 2016, n°15-18.456).
En effet, il ne pourra pas espérer que les effets du temps court de l’article L.145-60 viennent à son secours pour faire oublier une négligence qui reste toujours très sévèrement sanctionnée car insusceptible de régularisation (Cass. civ. 3ème, 19 février 2014, n°12-20.193).
A rapprocher : Article L.145-60 du Code de commerce ; Cass. civ. 3ème, 8 septembre 2016, n°15-17.879 ; Cass. civ. 3ème, 22 septembre 2016, n°15-18.456 ; Cass. civ. 3ème, 19 février 2014, n°12-20.193