Appréciation du préjudice subi par le lotisseur en cas de refus illégal d’un permis d’aménager

CE, 12 juillet 2017, n°394941

Par un arrêt en date du 12 juillet 2017, le Conseil d’Etat a précisé les conditions du droit à indemnisation du lotisseur lorsque celui-ci s’est vu confronté à l’impossibilité de réaliser une opération immobilière, en raison de l’opposition illégale des services instructeurs à une déclaration préalable.

Ce qu’il faut retenir : Par un arrêt en date du 12 juillet 2017, le Conseil d’Etat a précisé les conditions du droit à indemnisation du lotisseur lorsque celui-ci s’est vu confronté à l’impossibilité de réaliser une opération immobilière, en raison de l’opposition illégale des services instructeurs à une déclaration préalable.

Le Conseil d’Etat considère, d’une part, qu’aucune indemnisation ne sera octroyée si le refus illégalement opposé peut trouver son fondement dans un autre motif légal et, d’autre part, que seule l’existence d’engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou des négociations commerciales avancées, permettent de qualifier ce préjudice de direct et certain, et ouvrent droit à réparation.

Pour approfondir : La société Negocimmo était bénéficiaire d’une promesse de vente sur un terrain.

Le 16 février 2012, cette société a déposé une déclaration préalable en vue de procéder à la division dudit terrain en quatre lots à bâtir, sans création de voie ou d’espace commun.

Par arrêté en date du 14 mars 2012, se fondant sur l’insuffisance du dossier de déclaration, la commune de Pian-Médoc s’est opposée à cette division.

Bénéficiant déjà, à cette date, d’une promesse d’achat sur deux des lots, la société pétitionnaire a saisi le Tribunal administratif de Bordeaux afin qu’il annule l’arrêté d’opposition à déclaration préalable et qu’il condamne la commune à lui verser la somme de 236 093 euros au titre de la réparation des préjudices subis par elle, résultant notamment de l’impossibilité de procéder à la commercialisation des lots.

Par un jugement du 13 février 2014, le Tribunal administratif de Bordeaux a considéré que l’arrêté contesté était illégal et ainsi fait droit sur ce point à la demande de la société pétitionnaire. Néanmoins, les juges de première instance ont rejeté le reste des prétentions et condamné la commune à ne lui verser que la somme de 3 000 euros au titre de l’indemnité correspondant aux frais engagés.

Par un arrêt du 1er octobre 2015, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel formé par la société pétitionnaire qui contestait le montant de l’indemnité octroyé mais également l’appel incident de la commune de Pian-Médoc. Elle a ainsi confirmé la solution émise par les Juges de première instance.

Contestant une nouvelle fois le montant de l’indemnité allouée, la société pétitionnaire s’est alors pourvue en cassation.

Toutefois, le Conseil d’Etat rejette ce pourvoi en précisant deux points.

D’une part, le Conseil d’Etat rappelle qu’aucune indemnité ne peut être accordée si le refus d’autorisation peut être fondé sur un autre motif, légal cette fois.

Il considère qu’aucun lien de causalité direct entre l’illégalité commise – en l’espèce l’opposition à déclaration préalable se fondant sur l’insuffisance du dossier de déclaration – et les préjudices résultant de l’impossibilité de réaliser le projet immobilier – en l’espèce, la commercialisation des lots – n’existe et ce, du fait de la possibilité pour l’administration de fonder son opposition, sur l’implantation du lotissement projeté dans un secteur classé comme inconstructible par le document d’urbanisme applicable.

Les juges ont donc, en l’espèce, opéré une substitution de motifs.

D’autre part, le Conseil d’Etat fait application des règles qu’il a précédemment soulevées dans un arrêt Commune de Longueville, n°371274, du 15 avril 2016.

Ainsi, la perte de bénéfices ou le manque à gagner supporté par un pétitionnaire, découlant de l’impossibilité de procéder à la réalisation d’une opération immobilière en raison d’un refus illégal, ne revêt qu’un caractère éventuel et ne peut à lui seul ouvrir droit à réparation.

Cette solution connait toutefois une exception. L’obtention d’une indemnité est en effet admise lorsque le lotisseur justifie de circonstances particulières. Lorsqu’il existe des engagements réels souscrits par de futurs acheteurs ou un état avancé des négociations commerciales, le préjudice peut être considéré comme direct et certain et donc faire l’objet d’une réparation.

En l’espèce, le Conseil d’Etat rejette l’application de l’exception en considérant que la société pétitionnaire ne pouvait apporter la preuve de l’existence que de seulement deux promesses d’achat qui ne portaient pas sur la totalité des lots concernés.

Ce faisant, le Conseil d’Etat considère alors que le lotisseur ne peut prétendre qu’à l’indemnisation du préjudice résultant des frais qu’il a exposés sur mandat du propriétaire du terrain, pour la constitution du dossier de division foncière. Ceux-ci concernent les frais de bornage et d’enregistrement de la promesse de vente. Il admet, en effet, que la société pétitionnaire n’avait pu lever l’option d’achat en raison de l’opposition de la commune et avait ainsi procédé à des dépenses inutiles qui trouvaient leur origine dans le comportement fautif de la commune.

En allouant une indemnité directement provoquée par l’illégalité relevée, à savoir le remboursement des frais alors que la commune a illégalement indiqué que le dossier de déclaration préalable était incomplet,  le Conseil d’Etat apporte un tempérament au principe selon lequel en cas de substitution de motifs, aucune indemnisation n’est octroyée.

A rapprocher : CE, 12 décembre 2008, n°280554

tanguile@simonassocies.com

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