Cass. civ. 3ème, 18 mai 2017, n°16-16.795
La garantie de paiement due par le maître d’ouvrage à l’entrepreneur peut être sollicitée à tout moment, même en référé et alors que le contrat a déjà été résilié.
Ce qu’il faut retenir : La garantie de paiement due par le maître d’ouvrage à l’entrepreneur peut être sollicitée à tout moment, même en référé et alors que le contrat a déjà été résilié.
Pour approfondir : En 2013, la société Domaine de C. a, en sa qualité de maître d’ouvrage, entrepris l’édification d’un ensemble immobilier et de bureaux à Saint-Fargeau Ponthierry.
Les travaux ont été réalisés par corps d’état séparés et le maître d’ouvrage a confié le lot « Gros Œuvre – Echafaudage » à l’entreprise B pour un montant de travaux de 1.758.900,98 euros TTC.
Les relations se sont détériorées entre les parties et ont conduit, d’une part, l’entreprise B. à mettre en demeure le maître d’ouvrage d’avoir à lui régler le solde des travaux et à lui fournir une garantie de paiement pour le montant total du marché et, d’autre part, le maître d’ouvrage à résilier le marché.
La mise en demeure étant restée vaine, l’entreprise B. a assigné en référé le maître d’ouvrage aux fins d’expertise et de fourniture de la garantie de paiement sous astreinte. Si le juge des référés a fait droit à la demande d’expertise, il a rejeté la demande de fourniture de la garantie bancaire, ce qui a conduit l’entreprise B. à interjeter appel de l’ordonnance.
Par arrêt en date du 8 mars 2016, la Cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance sur ce point au motif que le marché ayant été résilié, l’entreprise B. ne justifiait pas que sa demande reposait sur une atteinte à une disposition légale d’ordre public ni sur une obligation non sérieusement contestable.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, en rappelant que la garantie de paiement :
- peut être sollicitée à tout moment,
- même après la résiliation du marché,
- dès lors que le montant des travaux n’a pas été intégralement réglé.
L’article 1799-1 du Code civil impose au maître d’ouvrage ayant conclu un marché privé de travaux dans le cadre d’une activité professionnelle, d’un montant supérieur à 12.000 euros, de garantir l’entrepreneur du paiement des sommes dues.
Cette garantie peut prendre la forme d’un prêt souscrit par le maître d’ouvrage au profit de l’entreprise, dans l’hypothèse où le maître d’ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, ou d’un cautionnement solidaire consenti par un organisme de crédit, dans le cas contraire.
Par ailleurs, tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, ce dernier peut surseoir à l’exécution du contrat, après mise en demeure infructueuse pendant quinze jours.
Cette garantie de paiement peut apparaître comme la contrepartie de la retenue de garantie de 5% pratiquée par le maître d’ouvrage sur les situations de travaux de l’entreprise garantissant contractuellement l’exécution des travaux pour satisfaire le cas échéant aux réserves faites à la réception.
Toutefois, si la retenue de garantie est couramment pratiquée dans le cadre des marchés privés, il n’en va pas de même pour la garantie bancaire, que les entreprises ne réclament que très rarement au maître d’ouvrage lors de la conclusion de leur contrat.
Cependant, et l’arrêt commenté en est l’exemple parfait, lorsque les relations se détériorent entre les parties, l’entreprise dispose d’une arme particulièrement puissante pour nuire au maître d’ouvrage puisque, sous réserve que les quelques conditions énoncées ci-avant soient respectées, la fourniture d’une telle garantie est toujours ordonnée.
Les dispositions de l’article 1799-1 du Code civil au demeurant sont d’ordre public, et c’est en vain que le maître d’ouvrage pourra arguer de la compensation avec les créances qu’il invoque (CA Grenoble, 31 mai 2012, n° 12/00167) ou l’existence de réserves (CA Douai, 8 oct.2015, 15/01654).
A rapprocher : CA Paris, 8 mars 2016, n°14/24326