Cass. civ. 3ème, 22 juin 2017, n°16-13.651
L’obligation de publier une assignation en nullité de vente immobilière dans les registres du service chargé de la publicité foncière, prévue à peine d’irrecevabilité de la demande suivant le décret n°55-22 du 4 janvier 1955, ne porte pas atteinte à la substance même du droit d’accès au juge.
Ce qu’il faut retenir : L’obligation de publier une assignation en nullité de vente immobilière dans les registres du service chargé de la publicité foncière, prévue à peine d’irrecevabilité de la demande suivant le décret n°55-22 du 4 janvier 1955, ne porte pas atteinte à la substance même du droit d’accès au juge.
Pour approfondir : A la suite de la vente entre particuliers d’une parcelle agricole intervenue par acte du 7 juin 2013, un Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) saisit le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de ladite vente et substitution à son profit (au motif qu’il serait titulaire d’un bail rural lui permettant d’exercer un droit de préemption).
Le tribunal (jugement du 4 septembre 2014), puis la Cour d’appel de Rennes (arrêt du 7 janvier 2016) ont déclaré sa demande irrecevable au motif que l’assignation n’avait pas été publiée au fichier immobilier, sur le fondement du décret n°55-22 du 4 janvier 1955, article 30-5° qui prescrit à peine d’irrecevabilité :
« les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision de droits résultant d’actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l’article 28-4°, c, et s’il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d’une copie de la demande revêtue de la mention de publicité ».
Reprochant à la Cour d’appel de déclarer sa demande irrecevable, faute de justifier de la publication de l’assignation au service de la publicité foncière, le GAEC se pourvoit en cassation.
Il considère, sur le fondement de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH), ensemble les articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955 et l’article 885 du Code de procédure civile, que cette sanction, prononcée de manière automatique à raison du non-accomplissement d’une formalité procédurale porte une atteinte excessive au droit d’accès au juge, corollaire du droit au procès équitable. En d’autres termes, il considère que les juges du fond, en opposant strictement et sans autre considération l’irrecevabilité de l’assignation non publiée, empêcheraient dans les faits le demandeur de présenter et défendre ses prétentions devant un tribunal.
La Haute juridiction confirme l’irrecevabilité de la demande formée par le GAEC :
- Dans un premier temps, elle identifie le but poursuivi par la règle incriminée : informer les tiers et assurer la sécurité juridique des mutations immobilières pour conclure au caractère légitime de la « limitation implicite » au droit d’accès au juge.
- Dans un second temps, elle souligne l’absence du caractère disproportionné de la sanction : la formalité pouvant être régularisée à tout moment jusqu’à ce que le juge statue, il ne résulte pas de la sanction une disproportion dans la considération des intérêts respectifs. En l’espèce, le GAEC aurait pu régulariser la situation jusqu’en appel mais ne l’a pas fait malgré les 3 années de procédure au fond !
Ainsi, elle conclut à l’absence d’atteinte à la substance même du droit d’accès au juge.
A rapprocher : CEDH 21 févr. 1975, Golder c/ RU, série A, no 18, § 36 : l’article 6 § 1 de la CEDH reconnaît à toute personne un droit d’accès effectif et concret aux tribunaux. Néanmoins, le droit d’accès au juge n’est pas absolu et souffre des limitations implicites mais le formalisme qu’entraînent les règles procédurales ne doit pas être excessif ou être appliqué de manière excessive par le juge.