Cass. civ. 1ère, 11 mai 2017, n°16-12.299
Le juge des référés est incompétent pour statuer sur la demande d’un propriétaire tendant à voir interdire aux propriétaires de fonds voisins de pénétrer sur sa parcelle…
Ce qu’il faut retenir : Le juge des référés est incompétent pour statuer sur la demande d’un propriétaire tendant à voir interdire aux propriétaires de fonds voisins de pénétrer sur sa parcelle, dès lors, d’une part, que n’est pas caractérisé un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile ; d’autre part, qu’il n’appartient pas à la juridiction des référés de se prononcer sur la nature juridique du chemin litigieux, ni sur l’acquisition de la prescription d’un droit de passage ni même sur l’état d’enclavement qui pourrait le fonder.
Pour approfondir : Dans cette affaire, le propriétaire d’une parcelle reprochait aux propriétaires du fonds voisin d’emprunter indûment un chemin situé sur sa parcelle de terrain pour accéder à leur propre fonds. Le propriétaire mécontent a saisi le juge des référés pour obtenir la cessation de ces agissements, sur le fondement de l’article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile. Ce texte prévoit la possibilité pour le président du Tribunal de grande instance, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans le cas présent, la Cour d’appel a rejeté la demande du propriétaire tendant à voir interdire aux propriétaires des fonds voisins de pénétrer sur sa parcelle. Celui-ci s’est pourvu en cassation.
La Cour de cassation approuve la décision de la Cour d’appel qui, relevant que les propriétaires de la parcelle voisine ne disposaient d’aucune servitude conventionnelle de passage, a considéré qu’il n’appartenait pas à la juridiction des référés de se prononcer sur la nature juridique du chemin litigieux, ni sur l’acquisition de la prescription d’un droit de passage ni même sur l’état d’enclavement qui pourrait le fonder.
En l’espèce, ayant constaté que depuis plusieurs années et dès avant l’acquisition de son fonds par le demandeur, les propriétaires du fonds voisin utilisaient sans violence ni voie de fait ledit chemin, lequel constituait le seul moyen d’accès, depuis la voie publique, à leur parcelle, la Cour d’appel en a justement déduit que le passage sur le terrain du demandeur ne caractérisait pas un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile.
Dans un autre cas d’espèce où le défendeur bénéficiait cette fois d’une servitude de passage, la Cour de cassation avait retenu que le juge des référés n’avait pas excédé ses pouvoirs, sans avoir à constater l’urgence, pour décider qu’en présence d’un tel droit de passage, l’obstacle mis à l’exercice de cette servitude constituait un trouble manifestement illicite dès lors que le bénéficiaire avait, en vertu d’un titre qui n’était contredit par aucun autre, droit à ce chemin faisant communiquer son fonds avec la voie publique.
La Cour de cassation avait par ailleurs affirmé que l’atteinte au droit de propriété constitue, par elle-même, une voie de fait et cause un trouble manifestement illicite que le juge des référés a le devoir de faire cesser. Elle avait donc sanctionné une cour d’appel qui, tout en constatant une atteinte au droit de propriété, avait rejeté la demande de remise en état suite au percement d’un mur de clôture contigu, sollicitée en référé, en raison de l’absence d’un trouble manifeste.
Dans le cas présent, la Haute juridiction a retenu que le demandeur ne caractérisait pas un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile, dès lors que l’utilisation du chemin par les voisins perduraient depuis plusieurs années, sans violence ni voie de fait, lequel constituait leur seul moyen d’accès à leur terrain depuis la voie publique.
A rapprocher : Cass. civ. 3ème, 22 mars 1983, n° 81-14.547 ; Cass. civ. 3ème, 26 octobre 1982, n° 81-14.461