Cass. civ. 3ème, 18 mars 2021, n°20-13.562
Les indemnités allouées en application de l’article L.321-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain. N’en fait pas partie le préjudice de copropriétaires se prévalant d’une perte de stationnement, dès lors que le stationnement sur la parcelle expropriée était prohibé par le règlement de copropriété et qu’ils ne pouvaient se prévaloir d’un droit juridiquement protégé dont la perte ouvrirait droit à indemnisation.
A titre liminaire, il convient de rappeler que le juge judiciaire se charge de déterminer l’indemnité de dépossession ainsi que toute autre indemnité accessoire permettant de réparer l’intégralité du préjudice causé au propriétaire du fait de l’expropriation
Dans cette affaire, le juge devait statuer sur la fixation des indemnités revenant au syndicat des copropriétaires d’une résidence au titre de l’expropriation, au profit d’un établissement public, d’une voie privée constituant une partie commune et utilisée, par tolérance de la copropriété, comme stationnement par certains copropriétaires.
A ce titre, plusieurs copropriétaires sollicitaient parallèlement l’octroi d’une indemnité pour perte de stationnement. La Cour d’appel a fait droit à la demande des copropriétaires.
L’établissement public a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour d’appel en soutenant « que seule la privation d’un droit juridiquement protégé peut donner lieu à indemnisation ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a elle-même constaté que les copropriétaires ne pouvaient se prévaloir d’un droit à bénéficier d’une place de parking, que cet usage était prohibé par le règlement de copropriété, qu’il était par conséquent précaire, et qu’il ne procédait que d’une tolérance de la copropriété ; qu’en décidant néanmoins d’allouer une indemnité destinée à compenser la perte d’un avantage qui n’était pas juridiquement protégé, la cour d’appel a violé l’article L. 321-1 du code de l’expropriation. »
Au visa l’article L.321-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, la Cour de cassation rappelle que les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.
Dans le cas présent, la Cour de cassation relève que pour allouer à certains copropriétaires une indemnité pour perte de stationnement, la Cour d’appel a retenu que, si le stationnement sur la voie expropriée, non matérialisé au sol, était prohibé par le règlement de copropriété, cette interdiction n’était pas formalisée par une signalisation adéquate, de sorte que tout un chacun, copropriétaire ou non, pouvait y garer son véhicule et que, si les quatre copropriétaires, qui avaient pris l’habitude d’y stationner leurs véhicules, ne pouvaient se prévaloir d’un véritable droit à une place parking, ils devaient néanmoins être indemnisés pour la perte de cet usage précaire et toléré par la copropriété.
La Haute juridiction estime qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que le stationnement était prohibé par le règlement de copropriété et qu’il faisait l’objet d’une simple tolérance de la copropriété, la Cour d’appel, n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il s’évinçait que les intéressés ne pouvaient se prévaloir d’un droit juridiquement protégé dont la perte ouvrirait droit à indemnisation, et a, en conséquence, violé le texte susvisé.
Ainsi, la Cour de cassation fait une interprétation stricte de l’article L.321-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et limite l’indemnisation aux seuls préjudices directs, matériels et certains causés par l’expropriation, résultant dans le cas présent d’un droit juridiquement protégé.
A rapprocher : Article L.321-1 du Code de l’expropriation