Cass. civ. 3ème, 21 mars 2019, n°18-10.772
L’agent immobilier doit vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l’avis de réception de la lettre recommandée adressée aux acquéreurs, à défaut sa responsabilité est engagée.
Ce qu’il faut retenir :
La notification de la promesse de vente par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, prévue par l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation, n’est régulière que si la lettre est remise à son destinataire ou à un représentant muni d’un pouvoir à cet effet. Cette formalité fait courir le délai de rétractation mais suppose que la notification en question soit régulière. L’agent immobilier doit vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l’avis de réception de la lettre recommandée adressée aux acquéreurs, à défaut sa responsabilité est engagée.
Pour approfondir :
Dans l’affaire commentée, des propriétaires ont consenti, par l’intermédiaire d’un agent immobilier, une promesse de vente d’un immeuble à des époux souhaitant acquérir ledit bien. Cette promesse a ensuite été notifiée par deux courriers distincts à chacun d’entre eux. L’avis de réception de la notification de la promesse destinée à l’épouse fut toutefois signé par l’époux. Celui-ci ne précisait pas son nom et son prénom alors même que l’avis de réception. Autrement dit, il n’était aucunement spécifié que celui-ci intervenait en tant que représentant de son épouse. Le notaire chargé de la rédaction de l’acte authentique de vente a ainsi adressé un procès-verbal de difficultés constatant le défaut de consentement à la vente des acquéreurs.
Estimant que la promesse avait été régulièrement notifiée aux deux acquéreurs et que ces derniers avaient commis une faute en taisant pendant plusieurs mois leurs difficultés pour financer l’acquisition du bien litigieux, enfin leur décision de ne plus acquérir celui-ci, les vendeurs ont alors assigné les acquéreurs ainsi que l’agent immobilier en paiement de la clause pénale stipulée à la promesse et en indemnisation de leurs préjudices.
La cour d’appel de Paris, refusant de reconnaitre la qualité de mandataire à l’époux du fait de l’absence de précision quant à son nom et son prénom sur l’avis de réception litigieux et constatant qu’il n’était pas certain que la lettre ait été notifiée à son destinataire, a estimé que la notification de la promesse était irrégulière. Le délai de rétractation, qui commence à courir à compter du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée avec avis de réception ayant notifié à l’acquéreur la promesse de vente, n’avait pas couru à l’égard de l’épouse. Cette dernière pouvait alors valablement mettre en œuvre son droit de rétractation, qui entraine l’annulation de la promesse de vente litigieuse.
La cour refuse toutefois d’engager la responsabilité de l’agent immobilier, celui-ci n’ayant pas pour mission, en tant que mandataire des vendeurs, de vérifier les signatures apposées sur l’avis de réception.
Les vendeurs, mécontents, ont alors formé un pourvoi en cassation. Ces derniers reprochent à la cour d’appel de ne pas avoir recherché l’existence d’un mandat apparent autorisant l’époux à recevoir une telle notification au nom de son épouse. Ils estiment que la signature de ce dernier, titulaire d’un mandat apparent et donc mandataire, suffit à établir que la promesse a personnellement été notifiée à l’acquéreur de sorte que cet acte engage alors le mandant.
Les vendeurs soutiennent également que le délai de rétractation avait commencé à courir, à tout le moins, à l’égard de l’époux au plus tard à la date de sa signature. Enfin, ils estiment que l’agent immobilier, qui aurait dû vérifier les signatures apposées sur les avis de réception, n’a pas rempli sa mission.
La Cour de cassation admet le raisonnement des juges du fond quant à l’irrégularité de la notification de la promesse de vente et la validité de la rétractation des acquéreurs. En effet, la troisième chambre civile précise que la régularité de cette notification, prévue par l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation, est subordonnée à la remise de la lettre à son destinataire ou à un représentant muni d’un pouvoir à cet effet.
Cependant, la Haute cour casse, sur le fondement du précédent article et de l’article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, l’arrêt d’appel en ce qui concerne la responsabilité de l’agent immobilier. En effet, celle-ci retient la faute de ce dernier pour ne pas avoir vérifié la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l’avis de réception.
Il convient de préciser que cette même obligation incombe également au notaire lorsque celui-ci procède aux notifications prévues par l’article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation. Le notaire doit en informer l’acquéreur lorsque la notification s’avère irrégulière afin que ce dernier puisse, soit mettre en œuvre son droit de rétractation, soit signer l’acte authentique de vente en renonçant ainsi à se prévaloir de l’irrégularité (Cass. civ. 3ème, 7 avril 2016, n°15-13.064).
A rapprocher : Article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation ; Article 1147 du Code civil (version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016) ; Cass. civ. 3ème, 7 avril 2016, n°15-13.064