Cass. civ. 3ème, 21 février 2019, n°18-11.553, Publié au bulletin
L’acquéreur d’un immeuble pris à bail est tenu, dès son acquisition, d’une obligation envers le locataire de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué lorsque ces derniers n’ont pas été exécutés par l’ancien propriétaire, quand bien même, antérieurement à la vente, ce dernier aurait déjà été condamné à les réaliser.
En raison de l’existence de divers désordres au sein de l’immeuble, le locataire, titulaire d’un bail commercial, a alors assigné son bailleur en exécution des travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué. Ce dernier fut condamné, par jugement, à faire réaliser les travaux utiles.
L’immeuble ayant par la suite été cédé par adjudication et les travaux n’ayant pas été effectués, le locataire a alors demandé la condamnation in solidum de l’acquéreur de l’immeuble.
Le vendeur avait notamment invoqué qu’il ne pouvait pas être condamné à l’exécution des travaux sur un immeuble dont il n’était plus propriétaire. Quant à lui, l’acquéreur prétendait ne pas devoir répondre des faits antérieurs à l’acquisition outre que la décision de justice ne lui serait pas opposable.
La cour d’appel a accueilli la demande du locataire en condamnant in solidum les deux bailleurs successifs en exécution forcée des travaux. En effet, les juges du fond ont considéré, d’une part, que la vente de l’immeuble ne dispensait pas le précédent bailleur de son obligation d’effectuer les travaux nécessaires lorsqu’il était propriétaire et, d’autre part, que l’acquéreur était parfaitement informé de l’instance en cours et du jugement rendu, annexé aux conditions de vente, et auxquels il était tenu. De plus, selon les juges du fond, les deux bailleurs ne peuvent s’exonérer en prétendant que le locataire a accepté, en vertu des clauses insérées dans le bail, de prendre l’immeuble en l’état.
L’acquéreur mécontent a alors formé un pourvoi en cassation. Selon lui, en cas de vente d’un immeuble loué, le bailleur initial n’est pas dispensé de son obligation de réaliser les travaux qui étaient nécessaires alors qu’il était propriétaire à l’époque concernée et dont la charge lui incombait. Toujours selon lui, la vente n’entrainerait pas une transmission à l’acquéreur de la prise en charge financière des travaux incombant à l’ancien propriétaire. En outre, lorsqu’un jugement de condamnation du précédent propriétaire est annexé aux conditions de vente, la prise en charge financière de ces travaux incombe dès lors uniquement à cet ancien propriétaire.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et admis le raisonnement des juges du fond. Selon elle, le nouveau propriétaire est tenu, depuis son acquisition, d’une obligation envers le locataire de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué.
En effet, en vertu de l’article 1719 du Code civil, « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée (…), d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail (…) ». Ainsi, le bailleur est tenu d’effectuer les travaux nécessaires pour maintenir les locaux dans un état conforme à leur destination. Cette obligation de délivrance incombe au bailleur pendant toute la durée du bail.
La condamnation de l’acquéreur du bien s’explique à raison des dispositions de l’article 1743 du Code civil qui pose un principe de transfert du contrat de bail et partant des obligations qui y sont découlent, à l’acquéreur de l’immeuble loué. L’acquéreur, devenu bailleur, doit donc s’acquitter de l’obligation de délivrance conforme attachée au contrat de bail et ce, selon la troisième chambre civile, « depuis son acquisition ».
La Cour de cassation avait déjà précédemment retenu qu’en cas de vente du bien loué, le vendeur n’était pas dispensé de son obligation de prendre en charge les travaux avérés nécessaires lorsqu’il était propriétaire dudit bien (Cass. civ. 3ème, 14 novembre 2007).
Cet arrêt vient compléter cette jurisprudence puisque dans l’affaire commentée on relèvera que cette obligation ne pèserait pas exclusivement sur le bailleur initial étant donné que les deux bailleurs successifs ont été condamnés in solidum.
A rapprocher : Article 1719 du Code civil ; Article 1743 du Code civil ; Cass. civ. 3ème, 14 novembre 2007, n°06-18.430