Cass. civ. 3ème, 10 octobre 2018, n°16-21.044
La promesse synallagmatique de vente constitue un accord définitif sur la chose et sur le prix de sorte que le refus fautif de réitérer la vente, alors que l’opération avait été effectivement conclue, ne peut avoir pour effet de priver l’intermédiaire de son droit à rémunération ou à indemnisation.
Ce qu’il faut retenir : La promesse synallagmatique de vente constitue un accord définitif sur la chose et sur le prix de sorte que le refus fautif de réitérer la vente, alors que l’opération avait été effectivement conclue, ne peut avoir pour effet de priver l’intermédiaire de son droit à rémunération ou à indemnisation.
L’acte écrit contenant l’engagement des parties visé à l’article 6 de la loi Hoguet n’est pas nécessairement un acte authentique.
Pour approfondir : Dans cette affaire, une promesse synallagmatique de vente portant sur une maison d’habitation avait été signée et prévoyait que la vente devait être réitérée par acte authentique deux mois plus tard.
Par la suite, les acquéreurs ont informé l’agent immobilier qu’ils entendaient renoncer à leur acquisition, et ont demandé à être remboursés de la somme de 21.000 euros versés à titre d’acompte.
L’agent immobilier les a assignés aux fins de les voir condamner au paiement, à titre principal, de sa commission, et à titre subsidiaire, d’une indemnité compensatrice en application de la clause pénale prévue au mandat.
La Cour d’appel rejette la demande de l’agent immobilier au motif qu’il résulte des dispositions d’ordre public de l’article 6 de la Loi n°70-9 du 2 janvier 1970 (dite « loi Hoguet ») « qu’aucune commission ou somme d’argent quelconque ne peut être exigée par l’agent immobilier ayant concouru à une opération n’ayant pas été effectivement conclue ».
La Cour d’appel en conclut que l’agent immobilier ne peut pas, sous le couvert de l’application d’une clause pénale, prétendre à une quelconque rémunération ou indemnité compensatrice.
Cette interprétation restrictive du texte de l’article 6 de la Loi Hoguet assimilant « l’opération effectivement conclue » à la signature définitive par acte authentique n’a pas été retenue par la Cour de cassation.
Aux termes de l’article 6-I de la Loi Hoguet, il est précisé qu’« aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ».
Le droit à rémunération de l’agent immobilier est ainsi doublement conditionné à la conclusion effective de l’opération projetée et à sa constatation dans un acte écrit unique.
La Cour de cassation retient qu’à partir du moment où la Cour d’appel a considéré que « la signature de la promesse synallagmatique de vente constituait un accord définitif sur la chose et sur le prix », l’opération avait été effectivement conclue.
Cette solution n’est pas nouvelle (en ce sens, voir Cass. civ., 1ère, 9 déc. 2010, n°09-71.205), mais a le mérite de rappeler que la signature d’une promesse synallagmatique de vente, sauf la présence de conditions suspensives non levées, engage définitivement les parties, et fonde le droit à rémunération de l’agent.
La Cour de cassation précise en conséquence que le refus de réitérer l’acte de vente alors que l’accord entre les parties est définitif et donc la vente parfaite, constitue une faute qui ne peut pas avoir pour effet de priver l’agent immobilier de son droit « à rémunération ou à indemnisation ».
Enfin, la Cour de cassation rappelle également dans son attendu que « l’acte écrit contenant l’engagement des parties […] n’est pas nécessairement un acte authentique ».
Cette précision est bienvenue, étant ici rappelé que l’article 73 du Décret n°72-678 du 20 juillet 1972 dispose que « le titulaire de la carte professionnelle perçoit sans délai sa rémunération ou ses honoraires une fois constatée par acte authentique l’opération conclue par son intermédiaire ».
Cet arrêt nous rappelle par conséquent utilement qu’il ne faut pas confondre la question du droit à rémunération de l’agent immobilier en tant que tel, prévu à l’article 6 de la Loi Hoguet, et le moment à partir duquel il pourra réclamer le paiement de sa commission.
Cependant, cet arrêt ne doit pas faire oublier que la seule signature du seul compromis de vente n’emporte pas automatiquement droit à rémunération pour l’agent immobilier.
Il faut en effet s’assurer que les parties n’ont pas entendu faire de la signature de l’acte authentique une condition essentielle de la vente, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Par ailleurs, la promesse synallagmatique de vente ne doit pas prévoir de clause de dédit ou des conditions suspensives qui n’auraient pas pu être levées.
En effet, dans ces hypothèses, l’opération n’est pas effectivement conclue tant que les conditions suspensives ne sont pas toutes levées ou tant que la faculté de dédit subsiste (article 74 du Décret n°72-678 du 20 juillet 1972).
Il faut par ailleurs vérifier les stipulations du mandat de vente lui-même et notamment s’assurer que la signature de l’acte authentique n’est pas mentionnée comme étant une condition du droit à commission de l’agent.
Par ailleurs, la Cour de cassation ne se prononce pas précisément sur la nature des droits que l’agent peut revendiquer dans notre hypothèse.
La Cour indique en effet que l’agent ne peut être privé de son droit à « rémunération ou indemnisation ».
Dans ces conditions, il est prudent pour l’agent immobilier de s’assurer que la rédaction du mandat de vente prévoit bien une clause d’indemnisation dont le montant peut être équivalent au montant de sa commission lorsque l’accord est définitif et que le refus de réitérer la vente est fautif.
En effet, à défaut, le montant de l’indemnisation pourrait être laissé à l’appréciation du juge saisi.
A rapprocher : Article 6 de la Loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ; Article 73 du Décret n°72-678 du 20 juillet 1972 ; Article 74 du Décret n°72-678 du 20 juillet 1972 ; Cass. civ. 1ère, 9 déc. 2010, n°09-71.205