Cass. civ. 3ème, 7 juin 2018, n°17-17.240
Est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot.
Ce qu’il faut retenir : Est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot.
Pour approfondir : Dans cette affaire, une SCI a acquis, en 2004, divers lots à vocation commerciale, dont un à usage de piscine, faisant partie d’un immeuble en copropriété. Les vendeurs avaient signé, le 20 août 1970, une convention « valant additif » au règlement de copropriété par laquelle ils s’engageaient à assumer les frais de fonctionnement de la piscine et à autoriser son accès gratuit aux copropriétaires, au moins pendant la durée des vacances scolaires. Un arrêt devenu définitif, déclarant valable cette convention, a condamné la SCI à procéder, dans les termes de celle-ci, à l’entretien et à l’exploitation de la piscine.
Souhaitant se décharger de cette obligation, la SCI a assigné le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier en constatation de l’expiration des effets de cette convention à compter du 20 août 2000, en se fondant sur le principe de la prohibition des engagements perpétuels.
La Cour d’appel a rejeté la demande de la SCI, en retenant que les droits litigieux, qui avaient été établis en faveur d’autres lots de copropriété et constituaient une charge imposée à certains lots, pour l’usage et l’utilité d’autres lots appartenant à d’autres propriétaires, étaient des droits réels sui generis trouvant leur source dans le règlement de copropriété. La Cour d’appel a ainsi estimé que les parties avaient exprimé leur volonté de créer des droits et obligations attachés aux lots des copropriétaires et qu’il en résultait que ceux-ci s’exerceront tant que les copropriétaires n’auront pas modifié le règlement de copropriété et que l’immeuble demeurera soumis au statut de la copropriété. La SCI s’est pourvue en cassation.
Au soutien de son pourvoi, cette dernière soutenait que les engagements perpétuels sont prohibés et que le caractère perpétuel s’apprécie in concreto, en la personne du débiteur de l’engagement. Or, si le propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d’ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien, ce droit ne peut être perpétuel et s’éteint, s’il n’est pas limité dans le temps par la volonté des parties, dans les conditions prévues par les articles 619 et 625 du Code civil, soit à l’expiration d’un délai de 30 ans.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en énonçant qu’est perpétuel un droit réel attaché à un lot de copropriété conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale d’un autre lot.
Par cet arrêt destiné à être largement diffusé en raison de sa classification « P+B+R+I », la Haute juridiction admet ainsi qu’un droit réel sui generis attaché à un lot de copropriété établi pour l’usage et l’utilité des autres lots appartenant à d’autres propriétaires puisse être perpétuel.
A rapprocher : Cass. civ. 3ème, 31 octobre 2012, n°11-16.304 ; Cass. civ. 3ème, 8 septembre 2016, n°14-26.953