Bail commercial : obligation de délivrance versus transfert des mises en conformité

Cass. civ. 3ème, 18 janvier 2018, n°16-25.126

Les travaux de mise aux normes de sécurité prescrits par la préfecture sont à la charge du preneur dès lors qu’une clause du bail met expressément à sa charge les aménagements, améliorations et modifications ordonnés par l’administration et considérant qu’ils ne relèvent pas, en l’espèce, de l’obligation de délivrance du bailleur.

Ce qu’il faut retenir : Les travaux de mise aux normes de sécurité prescrits par la préfecture sont à la charge du preneur dès lors qu’une clause du bail met expressément à sa charge les aménagements, améliorations et modifications ordonnés par l’administration et considérant qu’ils ne relèvent pas, en l’espèce, de l’obligation de délivrance du bailleur.

Pour approfondir : En l’espèce, les parties ont signé un bail commercial portant sur un garage-hôtel et sur un parking. Suite à une visite technique, la préfecture de police de la ville de Paris a sollicité la réalisation de travaux de mise en sécurité incendie des locaux tels que l’encloisonnement des deux escaliers, mise en place d’une colonne sèche, traitement de stabilité du feu des structures métalliques, … Le montant total de ces travaux était de 885 436,26 €. Les preneurs ont alors assigné les bailleurs en remboursement du coût des travaux.

Les juges d’appel ont rejeté leur demande suite à l’interprétation de la clause du bail par laquelle le preneur se doit « de faire son affaire personnelle avec l’inspection du travail, la Préfecture de police, la Préfecture de la Seine, la commission d’hygiène et toute autre administration, de tous aménagements, améliorations et modifications qui seraient ordonnés, en faisant exécuter les travaux à ses frais, de manière que la bailleresse ne soit jamais inquiétée ni recherchée à ce sujet ». 

Les preneurs soutenaient que la clause ne pouvait recevoir application en l’espèce, puisqu’il n’était pas question de simples travaux d’aménagement, d’amélioration ou de modification, mais de travaux prescrits pour la mise en conformité des locaux à la destination pour laquelle ils étaient loués. Les juges d’appel ont considéré que la clause litigieuse visait bien les travaux de mise aux normes imposés par l’autorité administrative.

La Cour de cassation valide l’arrêt d’appel sur ce point : la clause, mettant à la charge du preneur les aménagements, améliorations et modifications ordonnés par l’administration, s’applique aux travaux de mise aux normes de sécurité prescrits par la préfecture.

En outre, la Cour de cassation précise l’étendue de l’obligation de délivrance du bailleur. Pour rappel, l’obligation de délivrance suppose la délivrance d’un bien conforme à la destination contractuelle.

Le bailleur doit s’assurer que le locataire puisse exercer l’activité prévue dans les lieux loués, et notamment vérifier que les règlementations applicables à l’exercice de l’activité dans les locaux puissent être respectées.

Les travaux ordonnés par l’administration (Civ. 3ème, 19 avril 1989, n°87-14942), et plus généralement la nécessité de réaliser des travaux de mise en conformité  aux normes de sécurité (Civ. 3ème, 3 novembre 2016, n°15-10036) sont susceptibles de conditionner l’exercice de l’activité dans les lieux loués et peuvent, à ce titre, être rattachées à l’obligation de délivrance du bailleur.

Dans notre affaire, la Cour de cassation considère que les travaux, n’étant destinés qu’à assurer un meilleur usage et une plus grande sécurité des lieux, ne relèvent pas de l’obligation de délivrance du bailleur. 

A rapprocher : Article 1719 Code civil ; Cass. civ. 3ème, 19 avril 1989, n°87-14.942 ; Cass. civ. 3ème, 16 septembre 2008, n°07-18.303 ; Cass. civ. 3ème, 3 novembre 2016, n°15-10.036 ; Cass. civ. 3ème, 18 janvier 2018, n°16-26.011 

Sommaire

Autres articles

some
Palmarès 2021
Top 3 décisions de la Cour de cassation L’année 2022 venant à peine de commencer, la saison invite inévitablement à se retourner sur l’année écoulée et à faire un bilan. D’autant que les prochaines nouveautés – que l’expérience nous fait…
some
Valeur verte des immeubles et baux commerciaux
Dans quelle mesure un bailleur-investisseur ou un le locataire commercial ont-ils aujourd’hui respectivement intérêt à donner et à prendre à bail un bien performant sur le plan environnemental ? En d’autres termes, la « valeur verte » d’un actif permet-elle…
some
Application de la « loi Pinel » dans le temps : précision sur la date du « contrat renouvelé »
Cass. civ. 3ème, 17 juin 2021, n°20-12.844, FS-B « Un contrat étant renouvelé à la date d’effet du bail renouvelé », les dispositions du statut des baux commerciaux relatives aux charges, issues de la « loi Pinel » et de son décret d’application, applicables…
some
Nature du droit propriétaire commercial
Que distingue le droit de préférence du droit de préemption, de substitution et de propriété ? La nature du droit conféré au locataire d’un local commercial aux termes de l’article L.145-46-1 du Code de commerce revêt des enjeux de qualification juridique.…
some
La défense du droit de propriété face au droit de préférence
Le droit de préférence dont bénéficie le preneur à bail d’un local commercial aux termes de l’article L.145-46-1 du Code de commerce peut constituer, dans des cas extrêmes, une limitation préoccupante au droit de disposer du propriétaire des murs. Les…
some
Covid-19 et non-paiement des loyers commerciaux pour la période d’avril et mai 2020
CA Riom, ch. civ. 1ère, 2 mars 2021, n°20/01418 Si bailleur et preneur, en période de Covid-19, doivent, de bonne foi, se concerter sur la nécessité d’aménager les modalités d’exécution de leurs obligations respectives, les moyens du locataire – défaut…