Élément d’équipement dissociable soumis à l’assurance décennale obligatoire

Cass. civ. 3ème, 26 octobre 2017, n°16-18.120

Cette décision tire les conséquences de l’évolution jurisprudentielle de la Cour de cassation sur l’extension de la garantie décennale aux désordres ayant pour origine un élément d’équipement dissociable d’origine ou installé sur existant.

Dans un arrêt rendu le 26 octobre 2017, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation précise que l’exception prévue à l’article 243-1-1 II du Code des assurances ne s’applique pas à un élément d’équipement installé sur existant et reprend son attendu énoncé en avril 2016 et complété en juin puis en septembre 2017 selon lequel les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Ce qu’il faut retenir : Cette décision tire les conséquences de l’évolution jurisprudentielle de la Cour de cassation sur l’extension de la garantie décennale aux désordres ayant pour origine un élément d’équipement dissociable d’origine ou installé sur existant.

Ces désordres affectant cet élément, pour autant qu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, relèvent de l’assurance décennale obligatoire.

La Cour précise que l’exception prévue à l’article L.243-1-1 du Code des assurances excluant de l’obligation d’assurance les ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles, ne s’applique pas à un élément d’équipement installé sur existant.

Pour approfondir : Dans cette affaire, les propriétaires d’une maison avaient fait installer une cheminée à foyer fermé. Un incendie s’est déclaré et il est apparu que ce sinistre était la conséquence directe d’une absence de conformité de l’installation aux règles du cahier des clauses techniques portant sur les cheminées équipées d’un foyer fermé.

La question se posait de savoir s’il était possible de mobiliser la garantie décennale de l’assureur de l’entreprise ayant procédé à cette installation.

On sait désormais que la Cour de cassation a étendu la possibilité pour le maître d’ouvrage d’agir sur le fondement de la garantie décennale dans le cas où l’élément d’équipement, dissociable ou non, a été installé après la réalisation de l’ouvrage, le seul élément clivant étant de savoir si les désordres affectant cet élément d’équipement rendent ou non « l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination » (voir Cass. civ. 3ème, 15 juin 2017, n°16-19.640 ; Cass. civ. 3ème, 14 septembre 2017, n°16-17.323 sur les désordres occasionnés par un insert).

Dans le commentaire de ce dernier arrêt, nous avions relevé qu’au-delà du régime de garantie ou de responsabilité, cette décision allait également avoir un impact majeur sur la question de la définition de la police d’assurance et de l’obligation d’assurance pour les entreprises, artisans et installateurs de ces éléments d’équipements.

Dans la présente décision, l’assureur mis en cause faisait valoir que les dispositions de l’article L.243-1-1 II du Code des assurances étaient applicables de sorte qu’il fallait rechercher si l’ouvrage existant était incorporé dans l’ouvrage neuf de sorte qu’il en serait devenu techniquement indivisible.

A défaut, il ne serait pas possible de mobiliser la garantie décennale de l’assureur pour les dommages causés à l’ouvrage existant.

La Cour de cassation répond, sans davantage d’explication, en annonçant que les dispositions de l’article 243-1-1 II du Code des assurances ne s’appliquent pas à un élément d’équipement installé sur existant. Elle reprend son attendu selon lequel les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

En conséquence, la garantie décennale de l’assureur se trouve bien mobilisée de sorte qu’il est confirmé que les installateurs de ces éléments d’équipement dissociable sont bien soumis à l’assurance de responsabilité obligatoire prévue aux dispositions des articles L.241-1 et suivants du Code des assurances.

En l’espèce, cela ne posait pas de difficulté particulière dès lors que l’installateur de la cheminée était effectivement assuré au titre de la responsabilité décennale.

Cependant, il n’est pas certain que les professionnels installateurs d’éléments d’équipements divers jusqu’alors non concernés par les dispositions relatives à la garantie décennale aient tous pris en compte cette obligation d’assurance qui s’impose à eux aujourd’hui.

Enfin, il faut rappeler que cette obligation d’assurance est pénalement sanctionnée, puisqu’en application de l’article L.243-3 du Code des assurances, le simple défaut de couverture expose le contrevenant à une peine de six mois d’emprisonnement et/ou une amende de 75.000 €.

Il est par conséquent urgent que les professionnels installateurs de ce type d’équipements s’emparent de ce sujet, de même que les compagnies d’assurance qui s’exposent à voir leur responsabilité engagée au titre d’un éventuel manquement à leur obligation d’information et de conseil.

A rapprocher : Article 1792 du Code civil ; Article 1792-1 du Code civil ; Article L.241-1 du Code des assurances ; Article L.243-1-1 du Code des assurances ; Article L.243-3 du Code des assurances ; Cass. civ. 3ème, 7 avril 2016, n°15-15.441 ; Cass. civ. 3ème, 15 juin 2017, n° 16-19.640 ; Cass. Civ. 3ème, 14 septembre 2017, n°16-17.323

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