Cass. civ. 3ème, 5 octobre 2017, n°16-18.059
Le preneur d’un local monovalent ne peut se prévaloir du bénéfice des dispositions de l’article R.145-8 du Code de commerce qui prévoit un abattement sur la valeur locative à raison de la réalisation des améliorations dont le preneur a supporté la charge.
Ce qu’il faut retenir : Le preneur d’un local monovalent ne peut se prévaloir du bénéfice des dispositions de l’article R.145-8 du Code de commerce qui prévoit un abattement sur la valeur locative à raison de la réalisation des améliorations dont le preneur a supporté la charge.
Pour approfondir : Par contrat du 30 août 1994, une société a pris à bail commercial un terrain permettant l’exploitation d’un camping pour une durée de seize années et demi à compter du 1er septembre 1994. Le bailleur lui a délivré un congé avec offre de renouvellement le 30 juin 2010 et l’a assigné en fixation du loyer au montant proposé.
Par un arrêt du 26 novembre 2013, la Cour d’appel de Montpellier a considéré que le bail portait sur un local monovalent au sens de l’article R.145-10 du Code de commerce, qu’il était renouvelé depuis le 1er mars 2011 par l’accord des parties sur le principe du renouvellement et a ordonné une expertise afin de déterminer la valeur locative des lieux loués.
Par un arrêt du 8 mars 2016 (RG n°12/06203), la Cour d’appel de Montpellier fixant le loyer du bail renouvelé a rejeté le moyen du preneur tendant à ce que soit appliqué un abattement de 40% sur la valeur locative calculée en application de la méthode hôtelière compte tenu des améliorations apportées par le preneur se chiffrant à plus de 7 millions d’euros. Sur le fondement de l’article R.145-8 du Code de commerce, le preneur soutient que ces améliorations doivent constituer un abattement sur le prix lors du premier renouvellement et forme donc un pourvoi.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel considérant que la soumission du bail à l’article R.145-10 du Code de commerce relatif aux locaux monovalents au terme duquel, « le prix du bail des locaux construits en vue d’une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L.145-33 et R.145-3 et suivants [du Code de commerce], être déterminé selon les usages observés dans la branche d’activité considérée » exclut l’application des dispositions de l’article R.145-8 du Code de commerce.
Cette solution s’explique par le fait que la monovalence constitue un régime autonome de fixation du loyer du bail renouvelé et non pas une simple exception au principe de plafonnement de celui-ci. En effet, il exclut, de facto, l’application des dispositions relatives au calcul de la valeur locative de l’article L.145-33 au profit des usages en vigueur dans la branche considérée.
En l’espèce, le loyer a été déterminé selon la méthode dite « hôtelière » adaptée aux campings dans la mesure où l’activité de camping suppose des installations spécifiques. L’expert relevait d’ailleurs, que l’activité de camping et ses annexes que sont la restauration, les espaces communs, les laveries, les piscines et autres activités de loisirs pouvaient être qualifiées d’hôtellerie de plein air.
Au regard de la formulation utilisée par la Cour de cassation en l’espèce, il semblerait que la portée de cette solution ne se limite pas aux améliorations opérées par le preneur mais bien à toutes les conditions de fixation énumérées par l’article R.145-8 du Code : « les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie […]. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge ».
A rapprocher : Cette solution n’est pas nouvelle, mais il existe peu de jurisprudence en la matière, mais cet arrêt a son importance puisque la Cour de cassation le publie notamment sur son site internet. Il avait déjà été jugé que « par sa nature, le commerce [d’hôtel] relevait de l’article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 [devenu l’article R.145-8 du Code de commerce] relatif à la fixation du loyer des locaux construits en vue d’une seule utilisation, la Cour d’appel a écarté, à bon droit, l’application des dispositions de l’article 23-3 du décret [devenu l’article R.145-10] et n’était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée » (Cass. civ. 3ème, 1er mars 2000, n°98-14.763).