Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2017, n°16-19.438
Il n’y a pas de volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, en présence d’un solde de facture et de courriers de réclamation, même adressés plus d’un an après la réception.
Ce qu’il faut retenir : Il n’y a pas de volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, en présence d’un solde de facture et de courriers de réclamation, même adressés plus d’un an après la réception.
Pour approfondir : Un an après un arrêt rendu le 13 juillet 2016 et commenté dans ces mêmes colonnes (Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2016, n°15-17.208), la Cour de cassation précise encore un peu plus les conditions dans lesquelles la réception tacite des travaux peut – ou non – être caractérisée.
En l’espèce, Monsieur et Madame X avait confié la réalisation de travaux de maçonnerie dans un ensemble immobilier à la société YB, assurée auprès du Gan ; la maîtrise d’œuvre étant confiée à Monsieur B, architecte, et le remblaiement autour de la cave et du garage ayant été réalisé par monsieur C.
A la suite de désordres, les époux X ont obtenu en référé la désignation d’un expert judiciaire au contradictoire de l’ensemble des intervenants précités. Sur la base du rapport d’expertise déposé, les époux X ont obtenu la condamnation de l’entreprise YB au paiement de diverses sommes en réparation du préjudice subi ; le tribunal précisant que le Gan, assureur de l’entreprise YB, n’était pas tenu à garantie. L’entreprise YB, qui entendait, au contraire, être garantie par le Gan en sa qualité d’assureur responsabilité civile décennale, a interjeté appel de la décision, en soutenant, d’une part, que les désordres revêtaient un caractère décennal et, d’autre part, qu’il y avait eu réception des travaux par les époux X. La Cour d’appel a confirmé le jugement déféré, en relevant que « Pour se prévaloir d’une réception tacite des travaux ouvrant droit à garantie décennale conformément aux dispositions des articles 172 et suivants du Code civil, il appartient à la société YB de prouver que les maîtres d’ouvrage ont manifesté une volonté non équivoque d’accepter l’ouvrage, même avec réserves. »
Au cas d’espèce, la Cour d’appel relève que les maîtres d’ouvrage ont habité un autre bâtiment que celui affecté de désordres, qu’ils ont formulé des réclamations par lettres recommandées et que le solde de la facture n’a pas été réglé.
La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir ainsi caractérisé l’absence de volonté non équivoque des maîtres d’ouvrage de recevoir l’ouvrage et, partant, l’impossibilité de retenir la réception tacite des travaux.
Cette décision est à mettre en perspective avec deux arrêts rendus en 2016 par la Cour de cassation et aux termes desquels la Haute Juridiction avait considéré, pour l’une des espèces, que les protestations des maîtres d’ouvrage ne s’analysaient pas comme une volonté de ne pas réceptionner l’ouvrage, mais comme des réserves (mais il faut préciser que le prix des travaux avait été payé dans sa quasi-totalité) (Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2016, n°14-17.208) et, dans l’autre, que les protestations répétées du maître d’ouvrage faisaient obstacle à cette réception tacite, même en cas de prise de possession des locaux et de paiement du prix (Cass. civ. 3ème, 24 mars 2016, n°15-14.830).
A la lumière de ces trois arrêts, il semble que les circonstances de l’espèce et la bonne ou mauvaise foi des maîtres d’ouvrage soient prises en considération pour caractériser l’existence d’une réception tacite. Tout est donc question de fait…
A rapprocher : Cass. civ. 3ème, 24 mars 2016, n°15-14.830 ; Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2016, n°15-17.208