Cass. civ. 3ème, 29 juin 2017, n°15-27.542
Dans la vente en état futur d’achèvement, les jours d’intempéries antérieurs à la date d’acquisition peuvent ne pas être considérés comme causes légitimes de suspension du délai de livraison.
Ce qu’il faut retenir : Dans la vente en état futur d’achèvement, les jours d’intempéries antérieurs à la date d’acquisition peuvent ne pas être considérés comme causes légitimes de suspension du délai de livraison. Il en est de même des défaillances des entreprises, faute par le vendeur de pouvoir justifier du lien de causalité entre ces défaillances et le retard de livraison.
La Cour de cassation valide dans ces deux hypothèses l’indemnisation due à l’acquéreur victime de retards de livraison et de levées de réserves, et précise que le montant de l’indemnisation reste à l’appréciation souveraine des juges du fond.
Pour approfondir : Une société civile immobilière avait procédé à la vente d’un immeuble à usage d’habitation sous la forme d’une vente en état futur d’achèvement.
Se plaignant d’un retard de livraison et également d’un retard de levée de réserves, l’acheteur avait assigné la Société venderesse aux fins d’indemnisation de son préjudice de jouissance.
La Cour d’appel d’Aix en Provence, par un arrêt du 29 juin 2015, avait fixé les jours d’intempéries pouvant être retenus à titre de cause légitime de suspension du délai de livraison, en écartant les jours d’intempéries antérieurs à la date d’acquisition, et considéré que la venderesse n’ayant pas produit, comme le prévoyait le contrat, la lettre recommandée que devait adresser le Maître d’œuvre aux entreprises défaillantes, elle n’établissait pas l’existence d’un lien de causalité entre les défaillances des entreprises et les retards de levée de réserve.
La Cour d’appel avait, au vu de ces constatations, condamné la Société venderesse à verser une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice de jouissance.
La SCI venderesse avait formé un pourvoi en cassation reprochant à la Cour de ne pas avoir pris en compte les jours d’intempéries à compter du début des travaux et, par ailleurs, de ne pas avoir retenu l’absence de preuve d’un ou plusieurs désordres de nature décennale ou relevant de la garantie de bon fonctionnement empêchant l’acheteur de jouir normalement de son immeuble pour faire droit à la demande d’indemnisation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, et relève que la Cour d’appel ayant constaté que Mme X… avait acheté, le 7 mars 2006, une maison en cours de construction par un contrat fixant le délai de livraison à la fin du premier trimestre de l’année 2007, avait à bon droit, retenu, sans dénaturation ni violation du principe de la contradiction, que les jours d’intempéries antérieurs à la date d’acquisition ne pouvaient être considérés comme causes légitimes de suspension du délai de livraison, et que faute de justifier du lien de causalité entre les défaillances et le retard de livraison des entreprises, par la production d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par le maître d’œuvre, la Cour d’appel en avait à bon droit déduit que Mme X… avait subi un préjudice de jouissance dont le montant est laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond.
Il est d’usage d’insérer dans l’acte de vente en VEFA, une clause prévoyant des majorations de délai de livraison en cas d’intempéries et de défaillance d’entreprise.
La clause du contrat de VEFA prévoyant la suspension du délai de livraison en cas d’intempéries et de défaillance d’une entreprise n’est pas abusive.
C’est ce qu’a jugé la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, pour une vente intervenue dans le secteur protégé, en retenant qu’une telle clause : « n’avait ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment des acquéreurs non-professionnels, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et, partant, n’était pas abusive » (Cass. civ. 3ème, 24.10.12).
Reste qu’une telle clause pourra faire l’objet d’une interprétation des juges en cas de litige et qu’il convient en conséquence d’être particulièrement vigilant sur la définition des cas de suspension pour causes légitimes.
Sont considérées notamment comme causes légitimes de suspension du délai de livraison, les intempéries, la grève, qu’elle soit générale, particulière au bâtiment et à ses industries annexes ou spéciale aux entreprises travaillant sur le chantier, le règlement judiciaire des ou de l’une des entreprises effectuant des travaux, les injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d’arrêter les travaux (à moins que celles-ci ne soient fondées sur des fautes ou négligences imputables au vendeur), les troubles résultant d’hostilité, révolution, cataclysme, incendie ou accidents de chantier, etc.
Il ne suffit pas d’énoncer ces causes, encore faut-il être précis dans la rédaction de la mise en œuvre de ces clauses dans l’acte de VEFA, ne serait-ce que pour le calcul des jours de retard à prendre en compte, ce qu’illustre fort bien l’arrêt commenté.
A rapprocher : CA Rouen, Ch. civ. 1, 30 mars 2016, RG N°15/03060