Cass. civ. 3ème, 27 avril 2017, n°16-13.625
Dans un arrêt rendu le 27 avril 2017, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence en rappelant que le locataire ne peut pas se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire dès lors que cette clause a été stipulée au seul profit du bailleur et que celui-ci demandait la poursuite du bail.
Ce qu’il faut retenir : Le bailleur reste par conséquent le maître du jeu tant dans la mise en œuvre de la clause résolutoire que la concrétisation de ses effets. Le fait pour le locataire de ne pas satisfaire à la mise en demeure contenue dans le commandement mentionnant que le bailleur entend se prévaloir de la clause résolutoire n’entraîne la résiliation de plein droit du bail que pour autant que le bailleur confirme son intention de s’en prévaloir.
Pour approfondir : Il existe des cas où le locataire qui fait face à d’éventuelles difficultés souhaite quitter les locaux loués au plus tôt sans attendre la fin de la période triennale pour laquelle il pourra délivrer son congé (ou la fin du bail en cas de « durée ferme »). Dans cette hypothèse, à défaut d’accord avec le bailleur sur une résiliation amiable du bail, le preneur peut avoir la tentation de ne pas respecter ses obligations, notamment la principale, portant sur le paiement des loyers, en espérant que le bailleur prenne l’initiative de lui délivrer un commandement de payer rappelant la clause résolutoire.
Il suffirait alors pour le locataire de persister à ne pas exécuter ses obligations pour que la résiliation intervienne, de plein droit, par l’effet de la clause, à l’issue du délai d’un mois suivant la signification du commandement.
La Cour de cassation a déjà été amenée à se prononcer dans des cas similaires. Elle a notamment refusé de considérer que le commandement de payer avec rappel de la clause résolutoire était une offre de résiliation à laquelle le locataire pourrait acquiescer.
Elle a, au contraire, régulièrement rappelé que « la clause résolutoire reproduite au commandement, assortie de la mention « si bon lui semble », n’était stipulée que dans l’intérêt du bailleur qui se réservait en cas de non-paiement une alternative, soit de se prévaloir de cette clause, soit de maintenir le bail en poursuivant l’exécution forcée du contrat » (Cass. civ. 3ème, 24 mars 1999, n° 96-20.590).
De la même façon, il avait été jugé que « la résiliation de plein droit, consécutive à la mise en œuvre de la clause résolutoire, ne constituait pour la bailleresse qu’une simple faculté » (Cass. civ. 3ème, 14 mai 1991, n° 90-14.088).
Il reste que dans l’affaire faisant l’objet du présent commentaire, l’analyse pouvait être différente.
En effet, le juge des référés avait retenu que le locataire avait quitté les lieux en suite de la délivrance du commandement, et que la clause résolutoire ne comportait pas au profit du bailleur une stipulation « si bon semble » ou de même genre. Il en avait déduit que le bailleur ne pouvait pas renoncer aux effets du commandement qu’il avait lui-même délivré (TGI Marseille, 20 février 2015, n° 15/00273).
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence n’a pas suivi cette analyse en considérant que par la délivrance du commandement « le preneur a été mis en demeure de régulariser sans qu’il lui soit expressément notifié que la résiliation prendrait effet inéluctablement à l’expiration du délai d’un mois, de sorte que le bailleur a conservé le droit de renoncer au bénéfice de la clause résolutoire, édictée à son seul profit, même après la délivrance de ce commandement » (CA Aix-en-Provence, 14 janvier 2016, n°15/04108).
Le pourvoi contre cet arrêt a donc été rejeté, la Cour de cassation se contentant de relever que « la clause résolutoire avait été stipulée au seul profit du bailleur ».
Cette décision n’est pas exempte de critiques.
On peut certes comprendre la réticence des juridictions à permettre au locataire de se prévaloir des effets de la clause résolutoire pour obtenir la résiliation du bail car, ce faisant, le locataire pourrait tirer profit de ses propres manquements.
Cependant, le mécanisme particulier de la clause résolutoire autorise à s’interroger.
En effet, lorsque dans le commandement délivré le bailleur se « réserve » de se prévaloir des effets de la clause résolutoire ou qu’il rappelle les dispositions de la clause qui comporte une stipulation « si bon semble au bailleur », il n’y a pas d’acquisition de la clause résolutoire sans la confirmation de la volonté du bailleur de faire constater la résiliation de plein droit du bail.
Or, tel ne semblait pas être le cas en l’espèce.
En effet, le bailleur avait délivré un commandement de payer dans le cadre duquel il indiquait qu’il entendait se prévaloir de la clause résolutoire.
Sa volonté paraissait par conséquent pleinement exprimée.
La plupart des clauses résolutoires mentionnent que la résiliation intervient « de plein droit » ou encore « sans autre formalité ». Il n’est jamais fait référence à la nécessité d’une confirmation du bailleur de mettre en œuvre cette résiliation. Il est souvent indiqué que la saisine de la juridiction des référés est envisagée pour ordonner l’expulsion. En revanche, la résiliation intervenue de plein droit n’est que « constatée » dans le cadre de la procédure judiciaire.
Autrement dit, cette résiliation qui présente un caractère automatique ne suppose pas nécessairement le recours à un juge. Elle a même pour but de l’éviter.
Le locataire peut donc décider de libérer les lieux en suite de cette résiliation sans attendre d’y être contraint par une décision d’expulsion.
Or, au regard de l’arrêt commenté, le bailleur pourrait très bien, même s’il n’existait pas de réserve dans le commandement délivré, revenir sur sa volonté exprimée de mettre fin au bail.
Il est intéressant de relever que la Cour d’appel de Paris a adopté une position contraire.
En effet, dans un cas similaire, elle a jugé que le bailleur qui a « sans ambiguïté, fait connaitre à son locataire sa volonté de se prévaloir de la clause résolutoire à défaut de paiement par ce dernier des causes du commandement ; cette notification faite par huissier engage le bailleur et le locataire est bien fondé à se prévaloir de l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire à défaut de paiement des causes du commandement » (CA Paris , 16 décembre 2015, n° 13/24137).
De quelque côté que l’on se trouve, il convient par conséquent d’être prudent.
Pour le bailleur, il est préférable de réserver, dans le commandement, son intention de se prévaloir des effets de la clause résolutoire.
Pour le locataire, il est indispensable de demander au bailleur qu’il confirme son intention de voir le bail résilié.
A rapprocher : Article L 145-41 du Code de commerce ; Cass. civ. 3ème, 24 mars 1999, n° 96-20590 ; Cass. civ. 3ème, 14 mai 1991, n° 90-14088 ; TGI Marseille, 20 février 2015, n° 15/00273 ; CA Aix-en-Provence, 14 janvier 2016, n°15/04108 ; CA Paris, 16 décembre 2015, n° 13/24137