Cass. civ. 3ème, 30 Mars 2017, n°15-25.161
Le changement unilatéral de la destination contractuelle constitue un manquement justifiant la résiliation du bail aux torts du preneur.
Ce qu’il faut retenir : Le changement unilatéral de la destination contractuelle constitue un manquement justifiant la résiliation du bail aux torts du preneur.
Pour approfondir : Une société ayant consenti des baux commerciaux portant sur des locaux d’habitation dépendant d’un immeuble à usage de résidence de tourisme, s’est prévalue de la violation de la clause de destination contenue dans les baux et a assigné sa locataire pour obtenir la résiliation judiciaire des baux.
La société locataire s’est opposée à la demande, le preneur prétendant que le bailleur n’avait pas rempli son obligation de délivrance. Il tentait de rendre responsable le bailleur du fait qu’il n’avait pu obtenir le classement des locaux loués en « résidence de tourisme catégorie 3 étoiles » du fait de la structure même de l’immeuble et de la non-conformité de l’équipement des locaux aux normes applicables aux immeubles touristiques.
La société locataire avait, faute d’obtenir les autorisations, transformé les locaux en résidence sociale, sans autorisation du bailleur, et arguait que l’implantation même du bâtiment ne convenait pas à une clientèle d’affaires ou touristique,
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 24 juin 2015, avait décidé que « constitue un manquement fondant la résiliation du bail aux torts du preneur le fait de n’avoir usé des lieux selon leur destination contractuelle, en violation des articles 1719 et 1720 du Code civil ».
La destination contractuelle du bail est librement consentie et acceptée par les parties. Le changement d’activité ne peut intervenir sans l’accord des deux parties. Le preneur ne peut pas modifier même partiellement cet usage contractuel ou y adjoindre une autre activité sauf en respectant les conditions et les formes fixées par les articles L. 145-47 et suivants du Code de commerce.
Le bailleur doit cependant garantir la conformité de la destination consentie au regard des règles du Code de l’urbanisme au titre de son obligation de délivrance. Cet argument n’a cependant pas été retenu.
Dans le Mémoire du bailleur, il était précisé : « qu’elle invoque (la société locataire) avoir été dans l’obligation de réorienter son exploitation en raison d’un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance ; qu’il ressort des documents produits aux débats que le classement de la résidence en catégorie 3 étoiles que le preneur s’était, aux termes du bail engagé à tenter d’obtenir lui a été refusée en 2006 pour des raisons diverses, tenant notamment à la structure de l’établissement et particulièrement son hall d’accueil ne répondant pas aux normes des établissements susceptibles de recevoir un tel classement ; que néanmoins, ce refus ne pouvait justifier un changement de destination des locaux, que l’accueil de personnes en locations meublées pour des périodes longues s’assimilant à l’élection de domicile a contribué ensuite à rendre irréalisable un classement hôtelier, ainsi qu’il résulte du dernier avis de la commission départementale d’action touristique, du 19 mars 2008 ; que la gravité d’un tel manquement rappelé dans les commandements délivrés en 2006 et qui a persisté sans que le société locataire ne demande de délai pour se mettre en conformité avec la clause de destination du bail a rendu quasiment irréversible le changement pratiqué, ce qui justifie sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs invoqués, le prononcé de la résiliation du bail et l’expulsion de la locataire, des lieux loués par confirmation du jugement déféré ».
La Cour de cassation valide la décision de la Cour d’appel de Paris et rejette le pourvoi.
En l’espèce le changement unilatéral de la destination contractuelle ancien et démontré a suffi à faire prononcer la résiliation du bail aux torts du preneur.
A rapprocher : Cass. civ. 3ème, 5 juin 2002, n°00-19.037 ; Cass. civ. 3ème, 19 juin 2013, n°12-18.337 ; CA Aix en Provence, 17 novembre 2015 : dans ces trois décisions il a été retenu que l’acceptation par le preneur des locaux dans l’état où ils se trouvent au jour de la signature du bail, n’exonère pas le bailleur de son obligation de délivrance d’un local conforme à sa destination contractuelle.